Il faut avouer que, parmi les 140 galeries venues de 18 pays, l’éclectisme et la diversité sont les maîtres-mots sous les verrières frappées au sceau de la modernité Art déco.

Et le résultat, au bout de quatre jours de foire, est plutôt enthousiasmant ! Jamais, pas même à l’édition FIAC 2013, le visiteur ne s’est confronté à autant d’œuvres d’art contemporaines chinoises à Paris. Il y a de quoi, à vrai dire, se sentir dérouté, interloqué, surpris… tout cela est un bon présage pour le passionné ou l’amateur d’art qui fraie.

Photographie de He Yunchang

Photographie de He Yunchang

A commencer par l’exposition « Imagerie chinoise » tout en haut du grand escalier monumental,  un salon dédié à la peinture à l’encre et à la sculpture de la Chine contemporaine. On y contemplait des paysages célestes peints sur du papier de riz, un pays recouvert de brumes, d’une végétation en devenir. Ici, la tradition se perpétue tranquillement avec des techniques ancestrales. Ici, le zen prend tout son sens. Mais l’art chinois se limite-t-il à la tradition ? Non, fort heureusement !

Après quelques déambulations à travers les allées parsemées de galeries françaises et internationales, on découvre une diversité de l’art contemporain chinois. Ai Wei Wei n’est pas représenté et pourtant, cet artiste contestataire du pouvoir politique est le phare qui a guidé et éveillé la jeune génération artistique tout juste sortie des académies des beaux arts.

L’art de la Chine contemporaine se situe entre tradition et modernité et se met à produire une écriture artistique singulière qui n’a rien à envier au monde occidental. La Chine ne copie plus mais propose réellement sa propre vision du monde.

"La saison pluvieuse" de Lin Rongsheng

« La saison pluvieuse » de Lin Rongsheng

Une galeriste bruxelloise nous confie qu’en Chine, l’art contemporain n’est pas encore accepté par le grand public, ni par les collectionneurs qui ne parviennent pas à décrypter le sens de celui-ci, ils préfèrent collectionner les œuvres des années 1920-1930.

Weng Fen

Weng Fen

Le collectionneur chinois qui entre dans une galerie demande toujours : «  si j’achète cette pièce d’art et que je la revends dans 2 ans, combien aura-t-elle prise de valeur ? » En Chine comme partout à travers le monde, l’art est devenu une valeur refuge, l’achat coup-de-cœur est semble-t-il passé de mode…

"Iron fist" de Liu Bolin

« Iron fist » de Liu Bolin

Un poing fermé monumental en acier s’enfonce à l’entrée du Grand Palais : voici « iron fist » de l’artiste Liu Bolin. Ce symbole du poing de la révolution communiste est pris à contre-pied. Ici, le poing serré écrase, oppresse, c’est une force brute et brutale, à l’image d’un pays qui se veut être un rouleau compresseur à l’arrivée d’un printemps neuf.

Liu Bolin est plus connu pour ses performances artistiques où des assistants peignent le décor sur ses vêtements et le reste de son corps afin qu’il se confonde avec  le paysage en arrière-plan. Un photographe saisit l’instant de cet homme caméléon et le tour est joué ! L’homme disparaît ainsi au profit de biens de consommation, de magazines, voire de son atelier détruit pour cause de Jeux Olympiques ! L’homme semble réduit à néant. Dans ce pays où la population dépasse le milliard d’êtres humains, l’art symbolise-t-il ce qu’il reste de l’individu ?

Liu Bolin le caméléon

Liu Bolin le caméléon

Huang Yan est un artiste populaire en Chine, il peint des paysages symboliques chinois, jusqu’ici rien d’original. Mais lui les peint sur des corps humains, le corps devient alors support. Cet artiste transforme l’art traditionnel en art contemporain en représentant la relation entre l’homme et la nature (« Chinese Landscape Face Paintings », ce sont là des concepts éloignés de l’Occident.  « Shanghai family tree » de Zhang Huan représente une série de 3 personnes déclinée en 9 photos, on écrit en mode calligraphique sur les visages, plus on avance dans la série plus les visages sont encrés de caractères, la peau se recouvre d’aplats noirs). En peignant des paysages traditionnels, ou en accumulant des calligraphies sur des visages, l’artiste fait disparaître l’humain au profit de l’identité d’une nation.

Huang Yan

Huang Yan

On ne présente plus Yue Minjun et ses personnages hilares dotés d’une dentition hors-norme. On ne connaît pas l’origine de leurs rires, mais à y regarder de plus près : est-ce un rire jaune ? ou est-ce de la douleur ?…  Dans quel état se trouve l’homme chinois, au bord du vide comme les écolières du photographe Weng Fen ? Ses personnages sont à la limite de la terre et du ciel et nous invitent à  contempler des paysages construits par l’homme. Que reste-t-il encore à contempler pour nourrir l’esprit ? On est loin de la contemplation des romantiques allemands tel un Caspar Friedrich…

Yue Minjun

Yue Minjun

Notre coup de cœur, la galerie bruxelloise Feizi offre un regard sur de jeunes artistes sortis des académies depuis peu et déniche des talents comme le photographe Qin Ga et le performeur He Yunchang. Entre poésie et extrêmes, l’avant-garde chinoise se développe avec, comme support, la surface du corps à l’épreuve de la douleur physique.

Toutes ces œuvres artistiques proviennent d’un pays que l’on dit fermé mais qui ne l’est pas vraiment. Notre regard, nos médias occidentaux ont vite fait de nous représenter négativement la Chine contemporaine sans chercher réellement à la comprendre. Et pour comprendre l’art, il faut chercher et trouver la clé du maître.

Qin Ga

Qin Ga