Avec Chanel et Yves Saint-Laurent, Dior incarne peut-être la quintessence du chic parisien aux yeux du monde et du public, à la fois féminin et intemporel. Un style, une personnalité qui doivent beaucoup à son fondateur, mais encore à la série des créateurs et directeurs artistiques qui se sont succédés au 30 avenue Montaigne après lui. Yves Saint-Laurent, Marc Bohan, et l’Italien Gianfranco Ferré ont été ces épigones de talent qui, chacun d’un coup de crayon inspiré, ont fait rayonner le nom de Dior au-delà de sa façade, mus par une sorte d’instinct, une vision de la femme qui transcende le temps, l’espace et les chiffres.
L’idéologie du beau
A ce titre, le légendaire designer transalpin Gianfranco Ferré aura laissé « sa griffe » sur la marque. Dès son engagement, en 1989, sa vision très forte de la femme Dior fera merveille pour les sept années à venir. Chez l’homme, tout est disproportionné : sa taille d’ogre, son appétit des formes, son œil pour la coupe, son goût pour le mouvement, la trace, le sillage. A l’image d’un parfum, la silhouette Dior par Ferré doit laisser sa marque. Elle doit laisser l’écho de son passage dans l’air comme le n°5 laisse son souvenir. L’empreinte est là, indélébile dans le livre, page après page, la preuve qu’un homme porté par une vision peut léguer un héritage impérissable.
Diplômé de Polytechnique à Milan en architecture (une passion qu’il a en commun avec le grand Christian Dior), Gianfranco Ferré est choisi, à la fin des années 1980, pour succéder à Marc Bohan, et prend naturellement la tête du studio avec ses idées, neuves dans la continuité. Un défi à la fois technique et esthétique, son talent devant s’exercer sur les fronts du prêt-à-porter en vitrines, et de la Haute-Couture en salons, Dior étant l’une des plus anciennes maisons de Couture avec cette longue histoire à la pointe de l’artisanat et des savoir-faire. Le journaliste Alexander Fury raconte ce challenge, des débuts tonitruants de la collection Ascot-Cecil Beaton de l’automne-hiver 1989, au triomphe de la collection Passion Indienne à l’hiver 1996. Son texte en retrace les grandes étapes pionnières, et l’équilibre unique entre le style Dior, et sa réinterprétation à l’ère des années 1990 pour une nouvelle génération de clientes, avide de mode.
Autre point notable de l’ouvrage, son imagerie forte. En effet, les photos de Laziz Hamani couvrent en plus de 200 illustrations toute la période Ferré, de ses premières créations, à ses ultimes looks aussi marquants que visionnaires. Précurseur de bon nombre de créations actuelles comme d’un style immédiatement reconnaissable, Gianfranco Ferré conjuguait un amour et une admiration pour le corps de la femme à une notion innée de ce qui le rend beau et attirant. Ses silhouettes séductrices, extravagantes parfois, puissantes toujours, exsudent dynamisme et mouvement. On sent la vie qui se dégage de ces épaules structurées, de ces couleurs franches, de ces formes hanchées, sculptées, moulées au plus près du corps féminin, comme de ces somptueux tissus et matières qui font revivre l’âge doré de Christian Dior, à l’aune du prisme 90’s d’une mode qui cherche son « new look » !
« Dior par Gianfranco Ferré » paru chez Assouline est un ultime beau livre destiné aux amateurs du beau sous toutes ses formes, un plaisir à feuilleter pour continuer à rêver.
(« Dior par Gianfranco Ferré », éditions Assouline, texte Alexander Fury, photographies Laziz Hamani, 200 ill., sortie janvier 2019, 320 pages, 195€ ; tous visuels reproduits avec l’aimable autorisation de l’éditeur)