Les Trésors d’Hervé Di Rosa
Dans les années 1980, un mouvement artistique voit le jour dans plusieurs pays en opposition à l’art conceptuel et minimaliste. En France, il porte le nom de Figuration libre. Hervé Di Rosa en est le héraut majeur, ce qui l’amènera à exposer bien au-delà des frontières de l’hexagone. Sa peinture figurative et colorée faite de référence aux arts populaires s’inspire de la bande-dessinée, des dessins-animés, de la science-fiction, de la pop et contre-culture, mais aussi du mouvement punk rock, et s’inscrit dans l’actualité de son temps.
Depuis les années 1990, l’artiste parcourt le monde, de Sofia à Kumasi, de Porto-Novo à Patrimonio, de La Havane à Séville, de Tel-Aviv à Miami, de Durban à Mexico, de Binh-Duong à Tunis, de Paris-Nord à Little Haïti, de Foumban à La Réunion, d’Addis-Abeba à Lisbonne. Lorsque Di Rosa décide de voyager, c’est toujours dans un but arty précis ! Quand il fait un tour du monde, c’est pour étudier comment naissent les images ailleurs et apprendre les techniques de production d’imageries populaires ou de sculptures traditionnelles.
A Labanque, Hervé Di Rosa a transformé son passeport en art en présentant les trésors de son imagination fertile. Au rez-de-chaussée, une mirror ball géante fait refléter mille lumières sur l’ensemble des sculptures exposées, des idoles païennes revêtues de perles dorées, des bouchons de whisky accumulés formant des totems,… ces sculptures de petites tailles sont placées sous des cloches de verre à la manière d’un cabinet de curiosité. D’autres sculptures, aux volumes plus importants, sont posées sur autant de supports verticaux qui se dressent tels des calices : robots parés de dorure à la « Metropolis », idoles de bois aux accents d’art brut, figurines au format XXL semblent sortis d’un œuf « Kinder surprise » ! L’artiste conjugue ici un certain « sa-voir » plastique à son amour pour l’artisanat, et fusionne ainsi genres et identités pour présenter une œuvre singulière, tel ce support recouvert d’azulejos portugais peints et surmonté d’une sculpture camerounaise en métal.
Dans les salles du bas, le bâtiment donne à voir d’autres trésors picturaux représentant des caisses d’or, des cornes d’abondance, des diamants liés à la littérature, aux pirates, aux légendes, à l’aventure, à l’espace, aux cités radieuses, à l’enfance… Dans la salle des coffres, se trouvent d’autres richesses via l’univers de films d’animation et de clips-vidéos peuplés de personnages ludiques et colorés. Tout un fourbi réjouissant et un bric-à-brac de caverne d’Ali Baba qui peuplent les mille et une nuits de l’artiste voyageur en transit sur la Terre.
Enfin, dans la salle des archives, sont présentées des figurines vernaculaires dénuées de nostalgie qu’affectionne et collectionne l’artiste. Composées pour la plupart en plastique, elles se retrouvent présentes dans des casiers vitrés : on y retrouve des super-héros, des personnages de la BD ou du manga, des robots, des monstres, des véhicules classés par familles de formes, Hervé Di Rosa pose ici un regard extraordinairement curieux sur les objets aux couleurs vives qui l’inspirent, pour lui tout est Art… c’est aussi une question de regard.
Giulia Andreani : « Bacia la sposa /Brucia la strega »
Giulia Andreani développe une œuvre picturale à partir d’archives et de photographies évoquant des épisodes de l’histoire du 20e siècle et affirme : « être dans le temps de la peinture, celui de la perspective historique et de la problématique de la peinture d’Histoire ».
Elle explore, telle une archéologue du regard, par delà la surface photographique pour réaliser ses toiles. Le détournement d’archives fait partie intégrale de son processus créatif mêlant fiction et réalité, petites histoires et la grande Histoire. L’artiste réactive l’image photographique à travers sa peinture et ressuscite des clichés anonymes ou n’ayant que peu d’intérêt visuel en soi. Dans son atelier muni d’un projecteur d’image, Giulia Andreani agrandit le visuel qui lui sert de modèle pictural et agit comme un révélateur, offrant une nouvelle interprétation pour les rétines. Jeux de matières, de dilution, d’ombres, de coulures et d’un effacement constant. Les images sont réalisées au gris de Payne comme des monochromes, ce gris foncé bleuté évoque un passé recomposé sur les surfaces toilées.
Le masque est l’un des autres sujets que développe Giulia Andreani. Elle couvre la tête de ses personnages de cet attribut qui symbolise une barrière entre soi et les autres, autant qu’un outil de survie en public, et que chacun est logiquement amené à porter en société. Aux yeux de tous.
(« Hervé Di Rosa et Giulia Andreani » à Labanque, 44 place Georges Clémenceau, 62400 Béthune, du 9 mars au 28 juillet 2019, http://www.lab-labanque.fr/ ; tous visuels photos © Stéphane Chemin)