Dans « L’Ultime Secret du Christ », sorti chez HC Editions, l’auteur récidive cette fois-ci à coups d’intrigues historico-mythico-religieuses, et se paie la guest-star la plus en vogue depuis 2 000 ans : Jésus. Mais quel est donc le secret du Dan Brown lisboète ?

20h moins le quart avant Jésus-Christ…

L’accorte José Rodrigues dos Santos n’est pas un Candide. Homme de médias plus que de lettres, il sait d’expérience que rien ne vaut un bon titre. Fortement teinté de religiosité, attaché à sa langue comme à l’histoire de son pays, il s’affirme aussi rompu à la vision très anglo-saxonne d’un prêt-à-lire divertissant, un consommable érudit bien qu’écrit dans une langue simple et sans chichis. Une espèce de « danbrownisation » de la culture qui fait florès depuis le « Da Vinci Code » engendrant émules, envieux ou ennemis. Toute croisade vaine puisque, comme dos Santos le prouve, chaque lecteur est avide de merveilleux. La comparaison entre l’écrivain portugais et son homologue américain n’est d’ailleurs pas fortuite. Tous deux ont percé « sur le tard ». L’un, après plusieurs tentatives infructueuses et une carrière de prof d’anglais dans le New Hampshire. L’autre, natif du Mozambique, en menant de front une carrière sérieuse de journaliste d’informations en parallèle à quelques timides percées romanesques. Pour les deux, un bagage livresque varié qui brinqueballe à côté d’une fréquentation inquiète des classiques. Plus Michael Crichton que William Faulkner. Question de température du vocabulaire.  José Rodrigues dos Santos avoue sans fard n’avoir jamais lu António Lobo Antunes. « Trop difficile », dit-il comme on s’excuse. Hier, c’eût été impardonnable, mais aujourd’hui, qui lui jetterait la première pierre ? Son succès récent, le buzz médiatique important autour de « L’Ultime Secret du Christ », il ne les a pas volés. Sorti en 2006 chez son éditeur local, Gradiva, sa « Formule de Dieu » aura patienté cinq ans avant qu’un franc-tireur ne fasse mouche sur l’opus. Un rendez-vous opportun plus tard, l’éditeur français remportait ladite Formule…à la « suaire » du front !

« L’Ultime Secret du Christ » de José Rodrigues dos Santos, HC Editions

« L’Ultime Secret du Christ » de José Rodrigues dos Santos, HC Editions

Ceux qui marchent.

Gradiva Publicaçoes est une vénérable institution au Portugal. Entendez : elle est rentable ! Rien d’étonnant à cela, puisque son nom signifie littéralement « celle qui marche », envers féminin du « gradivus » latin désignant vulgairement le dieu Mars. Fécondité, ardeur, force, les atouts majeurs du bon écrivain de polar sont ici résumés sans qu’on les prononce. En France, Hervé Chopin est de ceux qui marchent aussi, qui courent plutôt ! L’homme qui se cache derrière les initiales de HC Editions doit à l’une de ses promenades déambulatoires d’avoir tamponné en plein le pot aux roses…C’était à Francfort, en 2011. Au milieu de la foule effervescente de la foire et des présentoirs accablés de papier en 36 langues, Hervé Chopin tombe sur un vague succès national, écrit par une célébrité du petit écran, et dont le « pitch » semble assez bien troussé. Flairant les droits, Chopin prend un avion, pfft ! direction Lisbonne un mois de basse sève, et remporte pour un montant à trois zéros ce tramway nommé désir. « La Formule de Dieu » est sur les rails. Dès lors, les lecteurs n’ont plus qu’à se laisser embarquer.

A cors et à Christ !

Comme pour Robert Langdon, avatar d’encre de Dan Brown, José Rodrigues dos Santos a son héros récurrent : Tomás Noronha. Et, comme Robert Langdon, Noronha est à chaque  chapitre aux prises avec un mystère aussi insondable et crypté que les origines de l’humanité elle-même ! Dans « L’Ultime Secret du Christ », il se retrouve au Vatican, au milieu de cadavres comme s’il pleuvait des hosties, à devoir chercher des réponses à ses questions (donc aux nôtres) au sein de l’encodage entrefileté du codex vaticanus, ce qui, de retournements en suspens savamment entretenus, va le conduire à révéler une indicible vérité autour de l’existence du Christ ! C’est bel et bien conduit, l’intrigue file comme une Porsche le long du Tibre, contient ce qu’il faut d’hébraïsme, de latin et de grec pour se croire, le temps de la lecture, sur les bancs d’une Sorbonne de dessin-animé. Quel élément perturberait le plaisir du lecteur crédule volontaire ? Là encore, comme chez Dan Brown et son célébrissime « Da Vinci Code », le hic est dès l’incipit. Dans l’avertissement qui ouvre le livre, on peut lire : « Toutes les données historiques et scientifiques ici présentées sont vraies. » Ouch ! Depuis quand un auteur de fiction, s’adonnant au romanesque, ainsi que le prouve la mention « roman » sur la couverture, genre déjà très respectable, a-t-il besoin de cette phrase béquille qui, à la longue, ne peut que desservir ?

Tout lecteur est avide de merveilleux. De plus, le lecteur n’est pas un spécimen inculte qui a besoin qu’on lui dise quoi croire et quoi mettre en doute, encore moins un chercheur en demande d’une bibliographie scientifique fournie ! Si tel était le cas, plutôt lui conseiller un bouquin PUF ! Que les éditeurs (et tous les autres) se le disent une foi pour toutes : le vrai devoir d’un écrivain est d’inventer, de créer, de fabriquer de bric et de brocs une histoire sans se soucier des pots cassés. « L’Ultime Secret du Christ » est un bon divertissement. Mais, de grâce, épargnez au public amateur d’être pris par la main docte du savant en charentaises ! Si un roman devait à tout prix posséder un exergue, ce serait pour tous cette sentence d’Alexandre Dumas : « Il est permis de violer l’histoire, à condition de lui faire un enfant. »