Auguste Rodin (1840-1917), sculpteur français de la seconde moitié du 19e siècle, n’a cessé de saisir le corps en mouvement. Il est allé au-delà de la représentation académique et a fait ressortir l’âme et l’esprit de la matière rude.

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Robert Mapplethorpe (1946-1989), photographe américain de studio au 20e siècle, saisit derrière son objectif le corps en un simple clic. L’instant se fige et la lumière révèle un corps érotisé. Sa recherche de la grâce et de l’harmonie a mené l’artiste à prendre des sujets en marge de la société et des natures mortes, avec une obsession de la perfection (voir notre reportage au Grand Palais).

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Mapplethorpe versus Rodin. On doit cette confrontation inédite à la co-commissaire d’exposition et critique d’art Judith Benhamou-Huet, qui a vu dans l’œuvre de ces deux artistes, une trame commune. Tous deux se sont passionnés pour la sculpture antique. Tous deux se sont intéressés de près au maître absolu de la Renaissance italienne : Michel- Ange. L’émotion et la force qui se dégagent de ses sculptures ont inspiré et guidé les recherches artistiques de ces deux disciples spirituels.

L’influence est telle que les deux artistes partagent un vocabulaire de formes que l’on peut découvrir à travers 50 sculptures d’Auguste Rodin et 102 photographies de Robert Mapplethorpe. Une collecte du travail de ce dernier qui fera date, rendue possible grâce aux prêts de sa Fondation.

Les œuvres se mettent en résonnance autour de sept thématiques : le noir et blanc / ombre et lumière, matière et abstraction, mouvement et tension, le drapé, assemblages et compositions, érotisme et damnation, le goût du détail.

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L’un sculpte la matière qui capte la lumière, l’autre sculpte directement la lumière. Pour appréhender le travail de Mapplethorpe, l’artiste américain avouait sur lui-même : « Si j’étais né quelques siècles plus tôt, j’aurais été sculpteur. La photographie et la technique m’ont simplement permis de parvenir au même résultat, mais plus rapidement ». La photographie était, pour Rodin, un outil de projection dans l’espace mental de la sculpture.

Au final, peu importe les médias artistiques employés, la lumière fait naître l’Art comme la vie. Le point de vue du spectateur peut sentir la vibration de la lumière sur la matière. L’œuvre n’est pas lissée, voire accidentée, elle semble imprégnée par le mouvement.

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Les pauses des modèles de Rodin étaient aux antipodes des postures académiques et sa sculpture semble s’animer. Mapplethorpe, quant à lui, fige le corps dans une dimension unique. Ses prises de vue perfectionnistes donnent une impression de vouloir perdre les caractéristiques charnelles du corps, un peu comme s’il vidait de sa substance la vie de son modèle. L’artiste s’intéresse à différents sujets, que se soit une fleur, une bite en érection, une main tendue, des fesses…

L’idée est de construire, comme en architecture, la perfection de la forme. Cela devient une démarche de pureté artistique où son sujet devient abstraction. Aller au-delà de la forme conventionnelle, transgresser l’image inerte, voilà ce qui semble réunir ces deux créateurs.

Dans l’exposition évènement du Musée Rodin, le nu n’a pas de complexe. Les sujets ne sont pas exposés pour choquer, ils sont une ode à l’érotisme… Hommes et femmes se trouvent sur un piédestal, à égalité pour les deux artistes. Peu importe l’appartenance à un genre sexuel, le corps y est traité sous toutes les coutures en ombres et en lumières, et révèle la lumineuse beauté de l’anatomie humaine.

 

Le jardin et la Jeune sculpture

Jusqu’au 26 octobre 2014, les jardins de l’hôtel Biron s’ouvrent à la Jeune sculpture de Daniel Dewar et Grégory Gicquel. Lauréats du Prix Marcel Duchamp en 2012, le duo de sculpteurs y expose des œuvres contemporaines en béton de grand format. Une promenade artistique s’impose donc pour le visiteur au Musée Rodin. Art moderne, art ancien et contemporain l’attendent au fil des salles et des allées.

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(« Mapplethorpe Rodin », Musée Rodin, 79 rue de Varenne, 75007 Paris, du 8 avril au 21 septembre 2014, http://www.musee-rodin.fr/, billet jumelé avec l’exposition Robert Mapplethorpe au Grand Palais : tarif plein 16€ ; tous visuels reproduits © Stéphane Chemin pour Le Mot et la Chose ; photos jardins Dewar Gicquel, courtesy galerie Loevenbruck Paris, Truth and consequences Genève)