La preuve : sur 555 titres annoncés en plusieurs « salves » (aucun éditeur ne souhaitant marcher sur la couverture d’un confrère et griller toutes ses cartouches d’encre d’un coup), dont 198 romans étrangers et 357 français (parmi lesquels 86 premiers romans), combien de chroniqués ? La moitié ? Moins ? Ce n’est pas de la flemme de la part des critiques nationaux comme des écrivaillons des grands groupes aux dithyrambes troupiers (quoi ? le dernier Amélie Nothomb ? formidable !), non, c’est beaucoup plus insidieux et infiniment plus élaboré que cela. Il s’agit plutôt d’une lassitude faite d’habitude et d’accointance blasée avec le milieu, conjointe en temps et en heure avec l’actualité massive sur la scène littéraire de trois catégories d’auteurs. Ceux dont on a déjà et à maintes reprises parlé (Amélie sic) ; ceux dont on parlera (il faut bien changer, histoire de) ; enfin ceux qu’on a déjà oublié faute d’y avoir d’emblée prêté attention.

De l’importance des réseaux

Dans cette désertification culturelle grandissante des médias à avoir (encore) pignon sur rue, Internet fait figure de bulle excitante. Ici, tous les livres sont traités avec respect, et leurs auteurs sont du moins estimés, sinon critiqués avec égard sans que rentrent en ligne de compte la notoriété, le copinage, ou le réseau. Ou presque. Car Internet a beau constituer le plus grand réseau démocratique par excellence, il n’en est pas moins susceptible de favoritisme. Mais cela se passe à un autre niveau, souvent aussi éloigné du Prix de Flore que possible. Ici, les livres peuvent exploser, pétiller comme des bulles de champagne, millésimé ou non cela n’a guère d’importance, du moment que l’histoire promet de l’ivresse. Car, sur le web, c’est le lecteur (donc l’internaute) qui tranche. Plus que n’importe quel bourgmestre du livre, c’est lui qui décide si l’ouvrage est une merveille, ou une daube. Dans quelque temps, des carrières entières autour du livre se feront, se referont, ou se déferont sur le net, sans passer par la case papier. Mais l’apanage d’un réseau social aux intrications puissantes a son revers : on y lit tout et n’importe quoi. Pas facile de s’y retrouver parmi ces milliers de sites et de blogs critiques qui aspirent aux dorures de la profession sans disposer des outils compétents, l’indépendance de ton et de tribune en plus. Les liens intelligents, les partenariats entre pages amies constituent un premier écrémage. Voyez, ici comme ailleurs, tout est question de réseaux, de bons rapports.

Adopte un auteur !

On estime à 1 400 000 le nombre de français à avoir écrit au moins un manuscrit qui dorme actuellement dans un tiroir. Parmi eux, seulement 9% auraient fait une démarche auprès d’éditeurs. Délais d’attente d’avis, refus répétés, isolement, absence de contacts, culte de la personnalité des auteurs-vedette sont autant d’écueils sur le parcours du combattant de l’écrivain aspirant à se faire publier. Or, signe des temps, romanciers en herbe et molosses de l’édition ont un nouvel os à ronger : l’autoédition. Distinct du traditionnel « publié à compte d’auteur », ce phénomène désormais intégré aux us et coutumes anglo-saxonnes est en passe de devenir une vraie alternative au pays de l’exception culturelle. Plus besoin de passer en comités de lecture archi-bookés, de chercher un éditeur, ou d’attendre, fébrile, l’auguste email qui changera tout ! Dorénavant, écrivains d’un jour et internautes se retrouvent autour d’une même passion, sans intermédiaire autre que le texte rendu public. Pour le lecteur, c’est le frisson de la curiosité et la possibilité de devenir prescripteur. Pour l’auteur, l’assurance que son travail soit lu, connu, et peut-être la rampe de lancement vers le firmament littéraire qui, ironie du sort, l’amènera à l’édition papier, cette rive gauche de la scène.

Apporteur de contenu, le site « Adopte un auteur » propose aux auteurs de mettre leur texte en  ligne sur la plateforme gracieusement. A charge ensuite à la communauté d’ « adopter » l’auteur de leur choix en fonction du goût du moment. A contrario, si on n’aime pas, on partage aussi, car le goût est subjectif, mais la communication, elle, reste universelle. Voilà qui remet en ligne le vieil adage : « en bien ou en mal, pourvu qu’on en parle ! »

A la fois site de partage et réseau social dédié aux livres, « Bookinity » est aussi innovant. Son but est de proposer aux internautes des choix de lectures innovants et radicalement différents des conseils parfois balisés des libraires, grâce à l’avis des lecteurs membres. Un choix judicieux et intelligemment mis en scène, notamment en jouant à la « Book roulette » qui propose trois titres, e-book ou papier, à chaque fois les mieux notés par les internautes. Bookinity s’affiche depuis peu comme un espace collaboratif ouvert et culturellement stimulant.

Les Editions du Net ont lancé via « La Journée du Manuscrit », un appel à candidature de grande ampleur. Du 1er au 20 octobre 2013, chaque auteur souhaitant se faire publier et disposant d’un manuscrit original est ainsi invité à le déposer dans les librairies participantes à l’opération, ou bien directement en ligne surlajourneedumanuscrit.fr. Dès le 24 octobre 2013, les participants verront leurs écrits diffusés sur les sites de vente de livres du web. Ces derniers seront aussi visibles dans les librairies partenaires. Bonus : un tirage au sort le 24 octobre sélectionnera 30 gagnants, dont l’ouvrage sera édité en 100 exemplaires et disposera d’une mise en avant sur les étals des libraires. Soit l’opportunité pour les 30 lauréats d’accéder à leur rêve, et de faire marcher le bouche-à-oreille…

Vu et revues

Revue Long cours

Revue Long cours

Si la rentrée est un des bons chrono-prétextes de l’année pour repenser ses vieilles habitudes, prendre de nouvelles résolutions et se cultiver, elle génère aussi un microclimat propice à l’éclosion, en presse et sur le net, de revues de qualité à mi-chemin entre l’essai, le magazine, le carnet de voyage et le livre d’art. Dernière née de ces success reviews chères à nos amis anglo-américains, la revue trimestrielle « Long Cours » a tout d’une grande. Au programme de son n°4, un dossier sur la métamorphose des grandes villes, une nouvelle du romancier, ex-lauréat du prix Femina étranger 2002, Erri de Luca, un photoreportage sur Davos aujourd’hui, la fin désenchantée du mythe américain, un portrait de Marco Polo sur un fil et les saveurs épicées du cuistot star Olivier Roellinger…Mise en appétit par une maquette classieuse, des textes de qualité et des illustrations en phase, voici une proposition de découverte éclectique pour réenchanter le monde et s’émerveiller, le temps de la lecture, sur les beautés qu’il renferme. A noter : le n°5 de Long Cours est sorti hier dans plus de mille librairies, alors dépêchez-vous ! Et, pour ceux qui veulent combler leur retard, les précédents numéros peuvent toujours être commandés en ligne.

Revue 303

Revue 303

On vous en parlait ici il y a quelques mois, et puisqu’il n’est de bonne compagnie qui se quitte pour mieux se retrouver, la Revue 303 refait parler d’elle comme un fait exprès dans nos pages de rentrée. Parue à l’initiative des pôles Recherche, Art et Création des Pays de la Loire, la Revue 303 brille à nouveau cette année, tant par la qualité des thèmes discourus que par les voies graphiques et illustratives qu’elle emploie pour rencontrer le lecteur. Si l’œil est flatté (la revue est aussi un bel objet), la curiosité est repue car la collection ne cesse de s’enrichir de nouveaux titres, servis par des plumes en harmonie avec la volonté initiale. Point de casus belli entre les auteurs donc, chaque texte trouve sa place sans fausse note et la petite musique de l’ensemble le dispute à l’envie qu’on a de tout lire. Paru en mars dernier, son magnifique n°125 jette un regard moderne sur nos éternelles « Utopies », ces flaques d’absolu perdues dans le chanvre des meilleurs auteurs et qui, de Baudelaire à Jules Verne, de Le Corbusier aux dystopies du réel, de la science-fiction à la poétique, innervent notre monde pour le tordre vers plus de magie.

Revue dissonances

Revue Dissonances

Canal direct menant vers un questionnement humaniste, le n°126 « Architectures et mutations », s’intéresse lui à l’évolution de l’architecture contemporaine dans la région des Pays de la Loire depuis 1982. Flashback urbaniste, ce volet est aussi l’occasion de mesurer le chemin parcouru, depuis les grands ensembles bétonnés, jusqu’à la conscience de développement durable. Une place pour chaque chose, et l’éco-citoyen au centre des préoccupations constructives du 21e siècle. Autant de belles raisons pour élire la Revue 303 sur la liste de vos priorités de lecture en cette rentrée.

Mais, le plus littéraire des nouveaux titres saisonniers à paraître est sans doute le semestriel « Dissonances » (prochain numéro sur le thème de « La Peau » en octobre). Son ambition avouée est la promotion de la littérature francophone actuelle dans tous ses états.

Avec une valeur ajoutée : connus ou inconnus, tous les auteurs écrivant en français sont invités à envoyer un texte au comité de lecture qui décide alors de publier ou non selon la qualité et la pertinence préjugées du dit texte. De quoi contenter tout le monde, chroniqueur et lecteur. Voici une revue qui philosophe, une revue qui pense et donne à penser autrement, quand beaucoup d’autres servent du neurone en gelée à un auditoire qui s’étiole. Cerise sur le gâteau, une carte blanche est donnée à chaque numéro à un artiste qui, de plus, se voit consacré un portfolio de huit pages. Ainsi, c’est à l’artiste plastique Charlotte Mollet qu’est revenu d’illustrer le n°24 sur la thématique du « Mal ».

Il n’y a pas une rentrée littéraire, il y a des rentrées littéraires, multiples, intelligentes et festives. Ça fait un bon moment que ça dure, et ce n’est pas prêt de s’arrêter. Bonne rentrée à tous !