A la plume, deux « psy » originaux, membres de l’IMI (Institut Métapsychique International) qui, chacun à sa façon, par croisements et parallèles, convoque un aréopage foisonnant de scientifiques, philosophes, écrivains, médiums, témoins et patients ayant marqué l’histoire des sciences humaines, ou la leur propre ! Deux essais, érudits et éclectiques, pour un grand voyage – peut-être sans retour – vers des états n’appartenant à aucune mappemonde : ceux de la Conscience…
L’Odyssée de la Conscience, Dr Hubert Larcher, éditions IMI
Parue aux éditions Institut Métapsychique International, L’Odyssée de la Conscience est une anthologie d’études sur la mort, la mystique et le paranormal faites par un homme inclassable : le Docteur Hubert Larcher. Véritable recueil de connaissances et de thèses constitué grâce à la filiation intellectuelle admirative de Renaud Evrard, psychologue clinicien, Docteur en psychologie et membre de l’IMI qui marque ainsi sa volonté de « réunir les fruits d’une vie d’exploration aux confins de l’expérience humaine ».
Qui était Hubert Larcher exactement, disparu en 2008 ? Docteur en médecine, licencié en philosophie, Rédacteur en Chef de la Revue Métapsychique, Directeur de l’IMI (de 1977 à 1995) conférencier, écrivain, chercheur, membre de multiples associations, etc. La liste de ses nombreuses fonctions et charges est trop longue pour une phrase. Un mot le résume parfaitement aux yeux de ceux qui l’ont connu, peu ou prou : Humaniste !
Et c’est ainsi que Renaud Evrard, attentif aux traces laissées, nous offre ici un parcours unique dans les pas modestes d’un homme qui, sans le savoir ni le vouloir, a marché comme un géant. Après une enfance à la Rousseau dans sa Provence natale, et une adolescence atypique au sein du fameux pensionnat de l’Ecole des Roches, Hubert Larcher ira jusqu’aux confins de la mort en survivant à la chambre à gaz, à la faim et au froid du camp de Mauthausen et ce…grâce aux techniques de karmayoga !
Libéré, il renoue le fil ténu de sa destinée humaine, achève ses études médicales et, comme il l’a formulé joliment lui-même : « j’ai coupé ma barbe et je me suis marié. Je suis devenu adulte. Non, pas adulte…j’essaie plutôt d’accumuler mes enfances… ». Fasciné par les zones-frontières de l’humain, le Docteur Larcher va, en sus de ses « enfances », accumuler une somme impressionnante d’analyses, d’observations et de tests sur la thanatologie, les phénomènes de synchronicité, les manifestations mystiques (inédie, stigmates, odeurs de sainteté…), les guérisons spontanées et inexpliquées, etc.
Renaud Evrard, compulse, trie, inventorie, dissèque, et finalement nous restitue la richesse discrète des travaux de ce « savant » qui s’ignorait parce que « honnête homme » il se voulait ! L’Odyssée de la Conscience est un chapelet d’interrogations sur ce qu’on croit être rationnel, et de provocations sur les apparences de la réalité. Renaud Evrard, par ce travail de bénédictin, signe un ouvrage digne d’un moine copiste, les enluminures en moins et la modernité en plus…
Pour une psychanalyse des expériences exceptionnelles, Dr Djohar Si Ahmed, éditions de L’Harmattan
Second livre d’un membre de l’IMI, celui de Djohar Si Ahmed, Docteur en psychologie et psychopathologie, psychanalyste, hypno analyste, certifiée en psychologie transpersonnelle et en TRH (Travail de Respiration Holotropique). Son livre, Pour une psychanalyse des expériences exceptionnelles – Comment penser le paranormal, paru aux éditions de L’Harmattan, revendique une porosité scientifique et intellectuelle. En proposant une articulation entre deux mondes cloisonnés jusqu’ici : la psychanalyse et la métapsychique.
La force de cet ouvrage est très difficile à expliquer et, encore plus, à transmettre. Mais, si on ose tenter l’exercice, on peut dire que Djohar Si Ahmed réussit l’exploit de clarifier l’atmosphère de siècles de poussières obscurantistes et de fumées démoniaques. Salomon déclara, paraît-il : « Les portes sont parfois faites pour être forcées afin que l’air pur circule entre les colonnes du temple ». L’auteur injecte ici à sa manière l’air pur de la science, de la psychologie, de l’histoire et de l’ouverture d’esprit. Par les cornes de Belzébuth, que cela fait donc du bien ! Et, en plus, c’est diablement passionnant.
Un exemple : pour beaucoup, faire gigoter les tables et bégayer les esprits est une invention du 19e siècle. Erreur ! Comme le rappelle Djohar Si Ahmed : « cette pratique a toujours existé, évoluant au fil des ans, pour devenir ce qu’on appelle le channeling…[…] Il est possible de ranger dans cette catégorie les expériences inspirées du Psychomanteum de l’Antiquité proposant d’entrer en contact avec les personnes décédées ». Autre notion chère à l’auteur, la nécessité de concilier dans ces champs d’études-frontières «…une dimension de jeu, de liberté intérieure, et aussi une frange d’ambiguïté… », avec humilité et ouverture d’esprit, indispensable à toute recherche scientifique sincère. Tout en ayant conscience que « ce rêve de scientificité a de bonnes chances de rester utopique car une telle Expérience ne pourra jamais s’inscrire dans le paradigme de la communauté scientifique, lequel repose sur le postulat de l’objectivité de la nature » !
Reprenant la proposition de Raymond Abellio, Djohar Si Ahmed encourage à sortir d’une « philosophie du concept » pour entrer franchement dans une « philosophie de la Conscience ».
Mais d’ailleurs, qu’est-ce que la Conscience ? Sur le modèle métaphorique du spectre lumineux, l’auteur propose de réfléchir aux hypothèses de l’anglais Myers, un des directeurs de la SPR (Society for Psychical Research). Pour ce dernier, le « moi inconscient » est un « moi subliminal » : c’est-à-dire en correspondance avec la frange invisible de la lumière.
« …C’est une instance inconsciente mais active, capable de faire irruption dans la conscience habituelle, dans certains contextes, par flashes, … ». Bien que Djohar Si Ahmed, en tant que psychanalyste, considère que ces strates de contenus inconscients puissent souvent être à l’origine de la médiumnité, elle ne néglige pas pour autant ces « phénomènes » qui détruisent cette première interprétation, par trop réductrice.
En observant les phénomènes « psi » depuis la longue-vue du « psy », Djohar Si Ahmed nous interpelle sur le changement de voyelle. Une seule lettre nous manque…et tout est changé. Avec passion, conviction et un recul salutaire, elle agit en thérapeute expérimentée pleine d’humilité, démontrant que le rituel canapé d’un cabinet de psy ne devrait être que l’outil de nos « éveils » en Conscience. Le poète dormeur des Surréalistes, Robert Desnos, le criait à sa façon un soir de séance de transe, allongé justement sur un canapé…celui d’André Breton :
« Dormir.
Les sommes nocturnes révèlent la somme des mystères des hommes.
Je vous somme, sommeils,
de tonner et de m’étonner » !
(« L’Odyssée de la Conscience : anthologie d’études sur la mort, la mystique et le paranormal », du Dr Hubert Larcher, éditions IMI, sortie 2013, 392 pages, 28,50 € ; « Pour une psychanalyse des expériences exceptionnelles – Comment penser le paranormal », de Djohar Si Ahmed, éditions de L’Harmattan, sortie revue et augmentée février 2014, 420 pages, 38 €, ce livre existe aussi en ebook, 30 €)