« Eduardo Chillida, la gravedad insistente »

Tout jeune, Eduardo Chillida (1924-2002) se rêve footballeur professionnel, mais une blessure le fait abandonner. En 1943, il étudie l’architecture, puis le dessin et la sculpture à Madrid. Après la seconde guerre mondiale, il découvre à Paris l’avant-garde et l’abstraction, rencontre Brancusi et Ellsworth Kelly avec qui il fera une exposition collective en 1950 à la galerie Maeght. L’année suivante, Chillida est en pleine réflexion sur le devenir de son art. Il déclare ainsi : « j’ai les mains d’hier, il me manque celles de demain. » Il décide alors de retourner dans son pays Basque natal, près de Saint Sébastien, où sa tante lui prête une maison située en face de la forge du village, il n’y a pas de hasard… Le forgeron du patelin lui enseigne les rudiments du métal pour qu’il devienne un créateur, tel le dieu Grec des forgerons : Héphaïstos.

Sur les traces de ses compatriotes que sont Pablo Picasso et Julio Gonzales, Chillida crée ses sculptures directement au cœur du feu, martèle le métal, contraint la matière et repense la sculpture par une construction alliant le plein et le vide.

Ses nouvelles recherches plastiques le conduiront, dans les années 1970, à la création des « Peignes du vent » installés sur la jetée de Saint Sébastien, trois sculptures de neuf tonnes chacune formées de barres d’acier aux formes incurvées sont incrustées dans les rochers, en contact direct avec les éléments : les vagues de l’océan Atlantique et le vent, les sculptures s’intègrent au paysage, ou plutôt, rentrent en connexion avec les forces de la nature afin d’ouvrir un dialogue. A travers cet équilibre mystérieux, une poésie semble habiter les formes et la matière patinée par l’érosion marine où nature et sculptures fusionnent, faisant ainsi naître une émotion certaine.

La sculpture de Chillida est un défi à l’apesanteur et cherche à capter le vide, l’air et l’espace qui circulent dans la matière afin de faire cohabiter les contraires : le plein, le vide, le noir, le blanc, à la manière de la philosophie du Yin et du Yang. Ses œuvres donnent l’impression d’une grande complexité mais lorsqu’on les étudie de près, celles-ci sont simples : une barre de métal que l’on a découpé à la forge puis travaillé avec une grande humilité. Dans son « Hommage à la mer III », l’artiste a travaillé la pierre blanche et transparente qu’est l’albâtre en sculptant un espace de circulation au sein de la matière brute pour mieux retenir la lumière engendrée par le matériau translucide au cœur de l’œuvre. Chillida donne vie à la matière de sa sculpture « Ecouter la pierre », un bloc de granit rose creusé de sillons profonds dessinant des formes géométriques minimalistes nous donne l’illusion que les blocs sont en lévitation dans l’espace et l’impression de légèreté à la matière minérale.

L’œuvre graphique reprend la pensée abstraite et plastique des sculptures. Ses compositions en papier ne sont pas collées, mais justes suspendues par un système de fils permettant de créer un flottement de plusieurs qualités de papiers superposés, arrivant à donner au papier amate (fabriqué à la main à partir de fibres végétales), par son épaisseur et sa lourdeur, une valeur équivalente à celle de la pierre ou du métal.

Le graphisme sombre de l’œuvre gravée évoque des constructions primitives où les formes sont en vibration constante, accentuée par les noirs et blancs. Les eaux-fortes révèlent une force vitale d’une grande simplicité et une sensualité lumineuse, à travers les formes qui se déploient dans l’espace.

Eduardo Chillida n’est pas engagé politiquement mais croit profondément en l’humain, telle une utopie qu’il exprime à travers différentes affiches pour divers organismes en faveur des droits de l’Homme. Œuvres abstraites autant que figuratives, il dessina toute sa vie des mains qui étaient une manière de représenter la synthèse du plein et du vide.

Sculptures,  gravures, dessins, dialoguent merveilleusement dans l’architecture du lieu. C’est un peu comme si l’artiste avait lui même conçu cet espace, à la manière de son projet d’évider la montagne Tindaya dans le but d’en faire une sculpture pour la tolérance où se rencontrerait l’humanité entière.

 

« Gravité Zéro. Une exploration artistique de l’aventure spatiale »

Depuis la nuit des temps, l’homme n’a cessé de lever la tête vers ce grand inconnu qu’est l’espace. Au 20e siècle, deux blocs s’affrontèrent sur un air de guerre froide pour la conquête spatiale. Depuis, les artistes se mirent à imaginer et à penser plus loin que la planète Terre… C’est le voyage que nous invite à découvrir, du 6 avril et jusqu’au 7 octobre 2018, Les Abattoirs / Musée – FRAC Occitanie Toulouse avec l’exposition « Gravité zéro ». En collaboration avec l’Observatoire de l’Espace, le laboratoire du CNES à Toulouse, l’événement présente une vision pluridisciplinaire de l’espace à travers une quarantaine d’œuvres d’artistes internationaux, historiques et contemporaines.

Le parcours de l’exposition débute avec un ensemble historique lié à la conquête spatiale où l’homme se détache de l’attraction terrestre, posant le pied, en 1969, sur la lune en la personne de l’astronaute américain Neil Armstrong. Déjà, cette même année, le projet « utopique » de Forrest Myers « Moon Museum » se concevait comme un ensemble, l’œuvre collaborative d’artistes américains de premier plan (Warhol, Rauschenberg, Chamberlain, etc.) en association avec les scientifiques de la NASA. Cette pièce en céramique, censée contenir un dessin de chaque artiste, aurait été secrètement installée en 1969 sur un pied du module d’atterrissage de la mission Apollo 12, en vue d’être déposée sur le sol lunaire. Hélas, aucune preuve n’atteste de sa mise en place in situ… Une autre mission installa la statuette en aluminium « Fallen astronaut » de l’artiste belge Paul Van Hoeydonck, en hommage aux spationautes décédés dans l’espace.

Penser l’espace depuis la Terre permet aux artistes d’explorer l’expérience humaine à travers le monde du rêve et de l’engagement politique. Johan Decaix met en scène  dans son « Projet étoile » une station de lancement pour rejoindre l’espace avec des ballons stratosphériques… Le créateur revêt une combinaison d’astronaute, organise une cérémonie où famille et habitants du village sont présents… A travers ce documentaire proche du film « Le voyage dans la Lune » de Georges Méliès, l’utopie montre que le rêve de l’artiste reste à l’état de fiction.

La série de photographies « Restaged » des libanais Joana Hadjithomas et Khalil Joreige  montre la sculpture d’une fusée blanche couchée à l’horizontale sur un camion en train de rouler à travers la ville de Dbayeh au Liban. La vitesse donne un effet fantomatique à cette fusée qui se confond avec un missile, alors que ce n’est pas une arme, juste une œuvre d’art en bois peint ! Dès lors, l’imagination semble altérer le réel.

« The Afronauts » de Cristina de Middel illustre le rêve et l’échec du programme spatial de la Zambie, qui, en 1964, a voulu rivaliser avec les USA et l’ex URSS… La photographe espagnole reconstruit un passé disparu grâce à sa propre imagerie, elle fait poser des hommes noirs en tenue africaine composée de wax identitaire avec un semblant de casque d’astronaute : l’imagerie prête à sourire, mais évoque les laissés-pour-compte de la technologie.

La vidéo du Turc Halil Altindere « Space refuggee » qui suit le pilote astronaute Syrien Muhammed Faris réfugié en Turquie, mêle interviews de scientifiques de la NASA, d’architectes  au sujet de coloniser la planète Mars et d’en faire une terre d’asile pour les réfugiés… Par ce sujet d’actualité brûlant, l’artiste questionne sur la liberté de vivre.

Au dessus de nos têtes s’est produit en mars 2017, dans la Station Spatiale Internationale, la première performance artistique conçue par le brésilien Eduardo Kac et mise en œuvre par l’astronaute français Thomas Pesquet du « télescope intérieur » composé de deux feuilles de papier découpées puis assemblées formant le mot « MOI ». Cet objet poétique permettant d’observer notre planète évoque l’humanité toute entière flottant dans l’espace.

Liste des artistes :

Halil Altindere, Antoine Belot, Sylvie Bonnot, Marvin Gaye Chetwynd, Raphaël Dallaporta, Johan Decaix, Cristina De Middel, Bertrand Dezoteux, Joana Hadjithomas & Khalil Joreige, Cédric Hoareau et Vincent Odon, Alain Jacquet, Eduardo Kac, Yves Klein, Moon Museum (John Chamberlain, Forrest Myers, David Novros, Claes Oldenburg, Robert Rauschenberg, Andy Warhol), Loïc  Pantaly, Olivier Perriquet, Bruno Petremann, Jefferson Pinder, Simon Ripoll-Hurier, Romain Sein, Sputniko, Paul Van Hoeydonck, Erwan Venn, Simon Zagari.

En résumé, cette riche programmation des Abattoirs / Musée – FRAC Occitanie Toulouse propose deux expositions à voir sur le thème de la spatialité, l’une prolongeant l’autre. Elles nous invitent, chacune à leur manière, à redéfinir notre rapport à l’espace et la notion de liberté à travers l’art qui l’ouvre sur de nouvelles passerelles.

(« Eduardo Chillida, la gravedad insistente », du 6 avril au 26 août 2018, « Gravité Zéro », du 6 avril au 7 octobre 2018, Les Abattoirs / Musée – FRAC Occitanie Toulouse, http://www.lesabattoirs.org/ ; tous visuels photos Stéphane Chemin)

 

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