Van Gogh. Ni Dieu ni maître, Citadelles & Mazenod, de Jan Blanc, Coll. « Les Phares », 432 pages, 350 ill. couleur, sortie mars 2017, 189€
Pour leur nouvelle parution printanière dans la collection « Les Phares », les éditions Citadelles & Mazenod publient un très beau livre, appelé à devenir rapidement un classique, « Van Gogh. Ni Dieu ni maître ». Ce titre, consacré à la personnalité singulière d’un des peintres les plus aimés de la planète, pose bien des questions. A commencer par celle-ci : peut-on créer sans croire ? Et cette autre : si oui, ne crée-t-on pas aussi, forcément, selon notre croyance (même si cette dernière est de ne croire en rien) ? Se basant sur les nombreux écrits autographes de l’artiste néerlandais, ainsi que sur sa correspondance, documentés dans l’ouvrage, Jan Blanc tire d’après cette matière exceptionnelle une réflexion sur la foi, l’homme et l’art.
Si Vincent van Gogh (1853-1890) découvrait ses tableaux accrochés aujourd’hui dans les musées du monde entier, que penserait-il rétrospectivement d’une vie dévolue à l’introspection entre le fond et la forme, entre le corps et l’esprit ? C’est dans cette posture interrogative que le lecteur est invité à partager le carré de lumière du peintre. Fils des éternels éclairs, la question de la foi accompagne Van Gogh depuis le berceau. Issu d’une famille de pasteurs calvinistes des Pays-Bas, né au sein du presbytère parental de son village du Brabant septentrional, Vincent van Gogh aura d’abord songé consacrer sa vie à la prêtrise et au ministère de Dieu sur terre, avant de se vouer, vers l’âge de 27 ans, à la peinture et au dessin comme aboutissements exclusifs de son passage terrestre.
« Peintre fou, peintre maudit, peintre de Dieu », sont quelques surnoms dont la postérité affublera l’artiste. Reflets d’une époque qui ne peut se concevoir sans sauvetage christique, ou paresse des critiques du monde entier dont la faiblesse de vision cache l’incompréhension à regarder plus haut, plus loin, l’œuvre d’un homme dont les sujets embrassent bien plus que ce que son pinceau peut capter ? Pourtant, dès 1880, Van Gogh se déclare athée. Un athéisme gênant, encombrant pour sa postérité, que les commentateurs de son travail vont parfois opportunément oublier.
Un savoir qui nous manque et que ce livre restaure. Déjà auteur, chez Citadelles & Mazenod, de Paroles d’artistes (2012) et Vermeer : la fabrique de la gloire (2014), Jan Blanc, professeur d’histoire de l’art de la période moderne (du 16e au 18e siècle) et doyen de la faculté des lettres de l’université de Genève, éclaire d’un faisceau méconnu le parcours artistique de l’homme Van Gogh derrière les traits océaniques de son incroyance. Derrière toute grande œuvre, y a-t-il un humain qui doute ? De balancements mentaux en intenses épisodes de fièvre créatrice, le peintre découpe une philosophie du « vivre l’art » dans les plis de sa chair. Plus que n’importe lequel des bois crucifié, ce sont le corps et le sang de l’artiste qui incarnent les vrais véhicules spirituels de son questionnement sur la foi, couché en fulgurantes perceptions ondoyantes sur la toile…
La richesse de l’iconographie et des reproductions (350 illustrations couleur) accompagne « Van Gogh. Ni Dieu ni maître » pour corporifier le propos de ce beau livre, somme toute autant spirituel qu’artistique !
Olga Picasso, éditions Gallimard, 336 pages, 280 illustrations, sortie mars 2017, 39€ – Catalogue de l’exposition au Musée national Picasso-Paris, du 21 mars au 3 septembre 2017
Les éditions Gallimard, conjointement à l’exposition au Musée national Picasso-Paris du 21 mars au 3 septembre prochain, publient le catalogue illustré « Olga Picasso ». Une parution à la portée à la fois intime et historique, à consulter avant ou après une visite de l’enthousiasmante expo éponyme.
Le visage d’Olga Khokhlova (1891-1955) est un familier de l’œuvre picassienne. Native de la Russie impériale dans la région de l’actuelle Ukraine, danseuse des fameux Ballets russes de Serge Diaghilev, celle qui deviendra la première épouse de Pablo Picasso occupe en effet une place à part dans le travail de l’ombrageux artiste espagnol. On pourrait d’ailleurs dédier une exposition à chaque femme qui a traversé la vie de Picasso, tant la vie amoureuse et sexuelle de l’homme est aujourd’hui connue à travers ses œuvres et vice versa.
Pour les puristes du travail de peinture de Picasso, ce livre prolongera le moment suspendu de se trouver face à tant de chefs-d’œuvre dédiés à un seul modèle. Pour l’amateur dilettante de l’univers picassien, « Olga Picasso » sera l’occasion de pousser une porte discrète bien que fondamentale sur un corridor de pièces et de dépendances au cœur de la maison mentale du peintre, génial inventeur à l’éternelle jeunesse artistique et précurseur de sa propre modernité.
A l’origine du « mythe », quelque 200 œuvres (de 1917 à 1935) reproduites dans l’ouvrage, accompagnées de 80 images d’archives souvent inédites. Un matériel majeur et fondateur (les amoureux de la production « classique » de Picasso seront ici aux anges !) qui fait le lien entre deux périodes et filtre l’évolution personnelle d’un Picasso sans cesse en chemin vers un(e) autre, vers cet autre qu’il est appelé à devenir, vers l’autre art qu’il s’apprête à faire naître à force d’épuiser les ressources de jouvence de son inspiratrice d’un temps, vécues avec passion puis détachement.
Scanner pictural d’une relation conjugale vouée à l’effacement dans la vie, mais immortelle dans l’art, les peintures réunies dans « Olga Picasso » s’augmentent de documents, lettres, photographies exhumés du très riche fonds archivistique de la famille Picasso. A coups de pinceau, Olga la danseuse, Olga la femme, Olga la mère, sont métamorphosées dans l’œil taurin d’un Picasso aimant, mari, démiurge, déjà avec son prochain modèle dans les tubes, la blonde Marie-Thérèse Walter, rencontrée en 1927.
Ce catalogue a été réalisé sous la direction d’Emilia Philippot, conservatrice au Musée national Picasso-Paris, Joachim Pissarro, historien de l’art, et Bernard Ruiz-Picasso.
Picasso Primitif, éditions Flammarion, 384 pages, 280 illustrations, sortie mars 2017, 49,90€ – Catalogue de l’exposition au Musée du quai Branly à Paris, du 28 mars au 23 juillet 2017
Les éditions Flammarion publient le catalogue « Picasso Primitif », en parallèle à l’exposition événement au Musée du quai Branly qui se tient à Paris du 28 mars au 23 juillet prochain. Une parution idéale afin de prolonger ou préparer cette sortie culturelle, une parmi les nombreuses actualités autour de l’œuvre de l’artiste andalou en 2017 !
« L’art nègre ? Connais pas ! », déclare Picasso sur un ton de bravade. Qu’il est bon de faire mentir un grand maître ! Ce livre passe du côté obscur de la légende pour démontrer, preuves à l’appui, les forces primitives à l’œuvre dans la production d’un des plus grands artistes occidentaux de tous les temps. De fait, le travail de Picasso peut s’apprécier aujourd’hui comme un pont unique entre les totems de l’ « art premier » tribal, et les régions de notre art dit « contemporain » les plus agressives.
Se basant sur ce postulat qui convoque le passé de l’art, Yves le Fur (commissaire d’exposition) convoque les versants les plus vestigiaux, les pulsions primales et l’élan dedans les abysses, de la geste picassienne. « Picasso Primitif » nous propose davantage un portrait quasi ethnologique, une anthropologie du regard, qu’une simple étude cataloguée du primitivisme de ses travaux. Picasso ne collectionnait pas que ses contemporains, des Matisse, des Renoir, des Cézanne. Il faisait également montre d’un grand appétit pour les formes d’arts dénigrées à son époque : les statuettes et les masques d’Afrique et des deux Amériques bien sûr, mais aussi des artefacts d’Asie et d’Océanie, lesquels l’inspiraient au quotidien. Sa curiosité semble sans bornes ni frontières, l’art n’a pas de limites dans la tête de l’artiste…
Picasso animiste ? Pourquoi pas ! L’ouvrage et l’exposition témoignent d’une fascination de Picasso pour les profondeurs, le plus souvent inconscientes. Les grands thèmes (la sexualité, la solitude, la mort, le symbole, la magie) omniprésents dans l’art tribal du monde entier sont aussi ceux de centaines de ses propres œuvres, tantôt miroirs du créateur, tantôt objets de sa psyché. Vue sous cet angle, la machine créative Picasso est un point d’accès universel à la question suivante : pourquoi l’homme partout crée-t-il ?
Kiefer-Rodin, éditions Gallimard, 288 pages, 237 illustrations, sortie mars 2017, 35€ – Catalogue de l’exposition au musée Rodin à Paris, du 14 mars au 22 octobre 2017
2017 marque le centenaire de la mort d’Auguste Rodin. Pour le célébrer, le musée Rodin à Paris a donné carte blanche à l’artiste et plasticien allemand Anselm Kiefer, pour une exposition inédite du 14 mars au 22 octobre prochain. Les éditions Gallimard sortent ainsi le catalogue de l’expo, « Kiefer-Rodin ». Les similitudes entre les deux sculpteurs sautent aux yeux dans ce parcours à la fois raccourci et elliptique.
Si Rodin travaillait la matière sensuelle pour la sublimer de ses propres métamorphoses, Kiefer manipule lui le ciment en détruisant, désorganisant, découpant par lamelles des tranches de sa propre vie artistique dans l’agencement de vitrines qui sont autant de chrysalides du labeur d’un artiste inquiet.
Des œuvres de l’un comme de l’autre sourdent une matrice poétique. Une certaine idée de l’art comme médium. Kiefer fait autant penser à l’univers rodinien qu’hugolien, plus encore à ce dernier peut-être…Une angoisse indéfinie mêlée d’une page de tristesse plombe son œuvre de noir. Presque orageux, ce livre serait funeste si ce n’était sans compter sur la lumière de Rodin et son application à la faire jaillir de chaque coup porté du burin. Exceptionnellement, le parcours du musée sera modifié, dans le but de montrer pour la première fois des plâtres de Rodin totalement méconnus du public et remontés du secret des réserves.
237 illustrations et 105 vignettes complètent ce bel ouvrage « Kiefer-Rodin », réalisé sous la direction de Véronique Mattiussi, commissaire d’exposition et responsable des activités scientifiques du fonds historique du musée Rodin.
Art et Nature, éditions Flammarion, de Chantal Colleu-Dumond, photographies d’Eric Sander, 176 pages, 120 illustrations, sortie avril 2017, 40€
C’est dans la nature que beaucoup d’artistes trouvent l’inspiration. Partant de cette idée éternellement dans l’air des temps, Chantal Colleu-Dumond a composé un herbier des grands artistes contemporains à prendre Dame Nature comme modèle de leurs travaux !
Dans son livre « Art et Nature », paru aux éditions Flammarion, l’auteur nous invite à une douce réflexion sur les chemins verts de la création. Animée du seul désir de « recharger la vie », Chantal Colleu-Dumond invite, depuis le printemps 2008, des artistes du monde entier à créer une œuvre in situ au sein du Domaine de Chaumont-sur-Loire, devenu centre d’arts et de nature. Une parenthèse enchantée, préservée, une échappée belle qui accueille ainsi, chaque année, la crème de la graine des jaunes pousses de la scène « Art et Nature » mondiale.
Ce beau livre bien écrit et magnifiquement mis en images, grâce aux photographies d’Eric Sander, déploie au fil des pages le message d’une quarantaine d’artistes en symbiose avec les éléments. Leurs créations, pensées pour faire corps avec la végétation qui les abrite, se nimbent d’une magie à la fois concrète, palpable et irréelle.
Si le parcours de chaque artiste est édifiant car il l’entraîne « là où il doit aller », le destin de leurs installations l’est non moins. Qu’elle soit déposée dans le parc, le château voisin ou ses dépendances, la « juste place » de telle ou telle pièce doit finalement appartenir au lieu, comme le lieu doit l’adopter. Au final, œuvre et lieu doivent se « donner » l’un à l’autre, en un dialogue muet quoiqu’évident.
Mais la beauté du livre réside ailleurs : c’est un témoignage. Car ces installations sont vouées au transitoire, à l’éphémère, confiées aux saisons qui passent et laissées au temps qui coule, elles ont pour certaines aujourd’hui complètement disparu…Avalée par le Grand Vert qui mange tout, c’est une forme d’art à la fois poétique et méditative qui revit dans cet ouvrage, en poussant certainement le lecteur à plus d’une réflexion rêveuse.