Depuis la révolution industrielle du 19e siècle, l’Occident connaît une métamorphose rapide de sa société. Il en est de même pour ce que l’on nomme art moderne, qui s’oppose au passé et impose un mode de pensée fondé sur la rupture en bouleversant l’ordre établi. La vision des artistes ne représente plus la réalité telle qu’elle est, mais transcende celle-ci dès lors que le champ de la création s’annonce révolutionnaire.

Après la rétrospective consacrée à l’artiste contemporain Olafur Eliasson, la Fondation Louis Vuitton présente une exposition historique de l’art moderne en présentant des œuvres emblématiques de la création artistique de la première moitié du 20e siècle, qui ont suscité et suscitent encore une réelle passion auprès du public.

Le point commun de toutes les œuvres sélectionnées est l’aboutissement d’un travail créatif où l’artiste a choisi de dynamiter les règles de l’art qu’il connaissait et de creuser son propre sillon en affirmant sa liberté d’expression. Il faut remonter au mouvement impressionniste pour constater un tel bouleversement de l’art : puisque reproduire le réel n’avait plus d’intérêt depuis l’invention et la pratique de la photographie, ces pionniers modernes ont cherché à aller au-delà de la représentation des sujets mythologiques. Leurs sujets s’attachent au quotidien, on peint par touches picturales, le tube de peinture donne la liberté de quitter l’atelier, l’inspiration venue du Japon permet des cadrages différents…tous ces changements furent décriés par les officiels, car ce « nouvel art » ne correspondait pas aux canons fixés à l’époque. Cette méthode artistique a littéralement explosé depuis et essaimé loin du vieux continent. L’artiste est devenu chercheur de forme et explorateur de la couleur.

Suzanne Pagé et Béatrice Parent, Commissaires de l’exposition, ont décidé de présenter une sélection d’œuvres iconiques de l’art moderne, choisies parmi les plus grandes collections des institutions muséales de par le monde (Musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg, Musée Much à Oslo, MoMA et Guggenheim de New York, Musée d’art moderne de la ville de Paris, Centre Pompidou, etc.) L’exercice d’équilibriste est alors de composer un musée idéal rempli d’icônes générées par des artistes visionnaires. Le visiteur vit ici une expérience directe avec l’œuvre : c’est une rencontre sensible qui ne laisse pas indifférent, au contraire ! Un tel condensé d’histoire de l’art a le pouvoir de faire réagir le spectateur, même novice en la matière, en lui offrant une large palette d’expressions plastiques.

L’exposition s’articule autour de 4 axes qui structurent la collection contemporaine de la Fondation : les lignes expressionnisme subjectif, contemplative, popiste et musique.

 

L’homme

L’homme est au cœur de la 1ère séquence. L’artiste se fait reflet de l’angoisse que l’homme a su créer par le truchement de la lutte des classes, du capitalisme, du communisme, puis des deux guerres mondiales, en passant par les cracks boursiers… l’homme subit la société et l’artiste tente de situer l’individu.

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Le cri, d’Edward Munch (1910) témoigne de la terreur directe : le visage du personnage subit une métamorphose physique par une économie de formes plastiques, la folie semble prendre le dessus sur la société toute entière. Accroché derrière une vitre et protégé par un éclairage tamisé, ce tableau interpelle à lui seul bien plus que les autres œuvres de la salle. Un homme pousse un cri mais on ne l’entend pas. La composition et le choix des couleurs blêmes retranscrivent l’effroi, le paysage en arrière-plan entre en vibration. Cette toile expressionniste par excellence reflète l’angoisse existentielle et le mal-être profond de l’homme moderne.

Dans la même joyeuseté, Francis Bacon présente un homme enfermé dans une structure en forme de cube en perspective : l’homme est prisonnier de sa condition d’un côté et limité par la société de l’autre…Le cauchemar continue et un cri ne suffira pas pour fuir.

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L’homme qui marche, sculpture d’Alberto Giacometti, semble avoir des semelles de plomb qui le rattachent au sol. Difficile d’avancer dans de telles conditions…Le corps est sculpté à vif, moins que la peau sur les os, il ne reste que la structure du squelette, l’homme est mangé par sa propre solitude.

 

Paysage

La 2e séquence déploie un cheminement de la contemplation méditative allant du paysage à l’abstraction. L’eau est le fil conducteur des peintres de paysage représentés. Cet élément agit comme un perturbateur pour la vision, il reflète et déforme. Leur peinture subit cette déformation également, le détail laisse place à son reflet.

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Les dernières années de sa vie, Claude Monet s’installe à Giverny et peint son jardin, dont la série des « nymphéas » dans un format carré : c’est l’immersion directe du spectateur dans la toile. La lumière se reflète dans l’eau et les couleurs se brouillent pour tendre vers une abstraction de couleurs. On retrouve cela chez Mondrian, Nolde et Gallen-Kallela, ces artistes peu à peu déstructurent les formes.

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Piet Mondrian travaille la série des marines par touches pointillistes, puis le motif de la touche devient secondaire et glisse vers la simplification : la nouvelle dimension de l’abstraction. Composition dans le losange avec lignes jaunes et Composition dans le losange avec deux lignes sont des œuvres épurées à l’extrême et dénuées de figuration. L’artiste s’intéresse là à l’essence de la peinture, qui ne représente plus le réel mais juste des formes géométriques pures.

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Tout aussi révolutionnaire, Kasimir Malevitch accompagne l’idéologie de l’époque communiste russe. En rupture totale avec la peinture bourgeoise figurative, il crée en 1915 le suprématisme, mouvement dénué de représentation et usant de couleurs primaires. Les formes de base sont géométriques : le carré, la croix et le cercle.  L’aspect n’est pas peint froidement, la délicatesse est maniée comme une raquette et le résultat interpelle et dérange encore le visiteur du 21e siècle. Chez Malevitch, au-delà de l’apparente froideur géométrique, tout est formes, les icônes peintes en noir semblent se mouvoir et vibrer dans l’espace blanc de forme carrée.

Face à ces création de toute pureté se tient la toile N°46 de Mark Rothko, une œuvre qui appartient à l’abstraction américaine. L’observateur est absorbé par la toile comme chez Monet, l’impact de la couleur rouge agit sur l’œil.

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L’autre contemplation vient de Picasso dans des toiles où l’artiste a représenté ses femmes, ses amantes, ses amours avec qui il a partagé des moments heureux. Mais la surprise est de découvrir une peinture de Bonnard côtoyer dans la même salle les compositions du peintre espagnol, lui qui ne pouvait pas sentir Bonnard en peinture et qui lui reprochait de ne pouvoir s’extirper du registre de la sensiblerie ! Vous avez dit gaffe ?

 

Pop

Le mouvement popiste lié au progrès de la vie moderne est mis en avant dans la 3e séquence de l’exposition et nous présente un homme dénaturé par les médias et la publicité qui connaissent au 20e siècle un développement considérable.

Francis Picabia, le dadaïste, s’amuse à reprendre une imagerie tirée de revues érotiques et populaires d’avant-guerre. Il s’accapare les codes pour les transformer en œuvres d’art, car il n’y a pas de mauvais sujet, au contraire…

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Robert Delaunay compose à la manière d’un assembleur d’images à travers L’équipe de Cardiff mêlant le rugby, la fête foraine, la tour Eiffel, l’aviation, la publicité… le tout dans des couleurs franches. L’artiste va au-delà du cubisme en présentant les différence faces du progrès, créant une œuvre picturale composite qui met en avant le progrès et le dynamisme d’une époque en pleine effervescence à la veille de la 1ère guerre mondiale.

 

Musique

La dernière séquence s’achève en douceur par la thématique musicale. La musique devient abstraction ou figuration, elle est une écriture que l’on joue ou que l’on danse. Le son n’est pas saisissable, mais on peut le retranscrire via différentes formes plastiques.

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Kandinsky théorise son art dans des essais, dont Point-Ligne-Plan (1926) est l’un des plus célèbres. La musique est alors au centre de la théorie, car son origine est abstraite et ne cherche pas à représenter le monde mais à exprimer l’âme humaine. A travers les quatre panneaux commandés par Edwin R. Campbell en 1914, Kandinsky peut interpréter les quatre mouvements d’une symphonie musicale. Dans cette dernière pièce de l’exposition, des lignes directrices, des points ponctuent la composition picturale, des couleurs entrent en résonnance, l’abstraction lyrique opère… et vient donner le « la » à La danse de Matisse (1906), où l’artiste obtient un impact considérable par une simplification des formes et une palette réduite de quatre couleurs complémentaires (bleu/orange et vert/ocre rouge) qui rythment la composition des cinq danseuses.

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Le groupe LVMH soutient les plus grandes expositions d’art du monde par le mécénat. Grâce à cet investissement passionnel et raisonné, il peut à présent obtenir des musées une facilité certaine pour obtenir le prêt d’œuvres d’art jusqu’ici inaccessibles et assurément devenir un acteur actif du monde des arts.

L’exposition « Les Clefs d’une passion » est avant tout historique et se veut être un reflet parallèle à la vocation initiale de la Fondation Louis Vuitton dans son engagement à présenter l’essence de l’innovation dans l’art contemporain.

(« Les Clefs d’une passion », Fondation Louis Vuitton, 8, avenue du Mahatma-Gandhi, 75116 Paris, du 1er avril au 6 juillet 2015, www.fondationlouisvuitton.fr)

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