La collection Takahashi regroupe quelques 2 000 œuvres qu’il a acquises depuis 1997 et reflète les tendances, évolutions de l’art japonais depuis les 30 dernières années. Pour le collectionneur, la scène artistique japonaise contemporaine, se trouve à égale distance entre le miroir de l’art européen et les traditions vieilles de plusieurs siècles, une forme d’universalité à travers l’observation de sa propre objectivité en quelque sorte.

L’intime ouvre sur le cosmos : Corps, Cœur et Esprit

La plupart des artistes s’attachent à̀ créer un univers ouvrant la fenêtre d’un monde qui s’étend bien au-delà̀ de leur réflexion autocentrée et attestent plutôt une exploration du « soi » en tant que « nature » de l’immensité́ du monde. Une quête de l’origine ? Pas vraiment, mais un monde en expansion qui tente de « définir » ses propres étoiles, planètes, galaxies d’un nouveau monde de l’art qui lui-même, dans la violence d’une fin annoncée, naturelle et programmée, se détruira. Comme si l’art et la création n’étaient en fin de compte que « l’essence » de ce mouvement permanent et infini ! Tel un magma nécessaire, une éruption de la vie, une voie lactée du cosmos vers l’intime !

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Quatre des artistes exposés ont particulièrement retenu mon attention : l’installation d’Aiko Miyanaga, composée de valises en résines transparentes dans lesquelles sont enfermés des petits moulages en cire rouge, traces du quotidien qui sont autant d’objets, mémoire fragile des hommes parcourant le monde, clés de lieux d’habitations, d’hôtels, de rendez-vous intimes, de rupture avec soi-même ! Le dessinateur Manabu Ikeda avec son œuvre « Histoire de grandeur et de décadence » où l’histoire des hommes se rejoue sans cesse, entre destruction et création. La plasticienne Kei Takemura avec « Connaissances et inconnus montant des marches à A et à W » qui de son propre aveu, après le grand séisme du 11 mars 2011, s’interroge sur le lien que peuvent avoir deux inconnus. Dans ce cas précis, l’artiste a pu faire voyager virtuellement son ami iranien et sa famille dans les rues de Berlin sans même les avoir rencontrés. Un chevauchement d’espaces réels, de souvenirs immanents, qui impressionne par la fragilité de l’instant. Par le recouvrement d’un voile d’organdi translucide, brodé de fils de soie, de fils à soi, qui reflète la lumière comme si l’œuvre présentée était une peinture ! « Trou de serrure » enfin, d’Hiraku Suzuki met en signe l’écriture des objets comme un paysage mental reliant l’extérieur et l’intérieur dont la lumière réfléchie devient la clé de l’espace et du temps, entre individu et cosmos, une constellation imaginaire. Toutefois (et c’est mon seul regret !), on peut regretter l’absence d’une œuvre de la série « Untitled
 2006, mixed media on cotton » d’Ikeda Mitsuhiro.

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La collection Takahashi, présentée à la Maison de la culture du Japon à Paris montre comment ces artistes Japonais cherchent à̀ tisser avec leurs semblables une constellation propre du « je » retrouvé, dont les « frictions », la diversité des thèmes abordés sont autant d’échos singuliers, champs de force des attractions ou répulsions qu’éprouve notre regard sur leurs créations. L’artiste, à la manière d’une carte céleste, conscient de son isolement propose à la fusion des sensations ; carnet de voyage qu’il transporte dans une valise devenue par, le temps, transparent à notre connaissance. Un voyage toujours plus profond en lui-même : « Le Multiple, c’est l’Un ; l’Un, c’est le Multiple » / « Ta soku ichi, ichi soku ta » (Zen Buddhism and Influence on Japanes Culture, Daisetsu Suzuki, 1938).

Mais le chemin en est-il plus serein même si on sait que l’on possède la clé du retour, si on ne sait pas ce que l’on cherche ? C’est peut-être ce point qui transfigure notre adaptabilité immédiate à l’art contemporain japonais…Comme si, il nous renvoyait à notre propre autisme. Comme si tout ceci, nous était familier, si loin, si proche à la fois. Comme si l’origine du Cosmos était en nous sans que nous le percevions vraiment !

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Une affirmation subjectivité retrouvée, « 1 » : « Untime », vers un réel « Multiple » : « l’autre », un « cosmo(s) » matriciel et universel : l’Autre, un Cosmos des Origines.

Mais peut-on seulement comprendre l’âme japonaise par l’unique prisme occidental de la beauté ? Qui vise une création parfaite des formes afin de rivaliser avec Dieu lui-même pour mieux le dépasser ? Il faut comprendre, comme nous le dit Ryûtarô Takahashi que « la pauvreté implique une prise de distance par rapport à la société, un renoncement aux richesses, au pouvoir, à la renommée, cela afin de n’apprécier que la présence de choses dont la valeur dépasse de loin toutes les autres. L’isolement désigne la faculté de se retirer dans la solitude au sein de paysages splendides, en constante transformation. Enfin, la simplicité est l’attitude de celui qui, tout en se trouvant dans un environnement artificiel tente intérieurement de s’en détacher pour se mettre en phase avec les pulsations de la nature. »

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De ce fait, les artistes japonais préfèreraient une création mettant en avant des formes esthétiques « imparfaites », un attachement obstiné à la beauté de l’instant, de l’éphémère. Qui n’a pas ressenti l’immense fascination de chaque être pour ce moment extraordinaire où les fleurs de cerisiers se transforment en petites étoiles de neige virevoltant autour du monde ne peut comprendre intimement l’horizon, l’oraison cosmique de tout un peuple !

« Adorables

Magnifiquement sauvages, malicieuses

Les citrouilles font chavirer les cœurs.

Je les aime tant

Elles sont pour moi, depuis l’enfance,

Une patrie de l’esprit

Porteuses d’une infinie spiritualité

Elles contribuent à la paix dans le monde

Et à la gloire de l’humanité

Elles m’apaisent.

Les citrouilles m’emplissent le cœur

D’une quiétude poétique.

Elles me parlent

Citrouilles, citrouilles, citrouilles

Elles sont l’image pour moi du sacré

La racine du bonheur de vivre

De tous les humains du monde

C’est pour elles que je survis. » – Yayoi Kusama, 2010.

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Quel temps et quel espace vous attendent derrière – devant – cette exposition ? Une quête de l’invisible recomposant la réalité d’un monde profond et onirique par le dévoilement de la beauté cachée. Ou en d’autres termes, un cosmos, clé de l’intime, un trou de serrure qui a la forme d’un passage reliant le temps qui s’écoule aux mouvements perpétuels de l’intime sur le cosmos.

Franchissez donc la porte et vous y découvrirez votre visage, Multiple – l’Image de vous-mêmes !

(« Cosmos / Intime – La collection Takahashi, Maison de la culture du Japon à Paris, du 7 octobre 2015 au 23 janvier 2016, http://www.mcjp.fr/ ; tous visuels reproduits avec l’aimable autorisation du musée)

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