La ville de Vallauris Golfe-Juan déploie un parcours de 7 expositions dans 6 lieux distincts pour présenter, avec 65 artistes et 150 œuvres, la diversité et l’extraordinaire vitalité actuelle de l’art céramique. Un médium nécessitant avant tout une connaissance technique du matériau et une maîtrise de l’élément feu, dans ce large panorama des dialogues qui fusionnent à travers le savoir-faire artisanal et la passion de l’artiste. Suivez notre guide pour découvrir le meilleur de la céramique !
Le concours – Musée Magnelli, musée de la Céramique
Ainsi, la Biennale Internationale de la Céramique de Vallauris s’est donnée pour mission de promouvoir la création artistique contemporaine liée à une matière unique : l’argile. Alain Bashung chantait « Entre tes doigts l’argile prend forme » dans le titre « Malaxe ». Ici, à Vallauris, l’argile prend une forme internationale avec 14 nationalités représentées. Qu’il soit cru, cuit ou numérisé, les artistes ont investi ce matériau depuis une cinquantaine d’années avec la volonté de l’ériger en une pratique artistique à part entière.
Le concours de la Biennale Internationale de Vallauris – Création contemporaine et céramique – est réservé aux membres des pays européens. Sur les 290 candidatures, le jury composé de professionnels liés au monde de la céramique, de l’art et du design, aura retenu 28 artistes pour ce cru 2016, 10 pour la catégorie « contenant » et 18 pour la catégorie « sculpture ». La jeune autrichienne Helene Kirchmair reçoit le prix des moins de 35 ans pour sa série intitulée « Bellies ». Le franco-américain Patrick Loughran reçoit le prix de la section « sculpture » pour son « Garden of Eden » : un assemblage de terre cuite émaillée haute en couleurs. L’irlandais Brendan Lee Satish Tang est le lauréat de la section « contenant » pour sa série « Manga Ormolu » : un savant mixage d’époques et de pop culture. Le Grand Prix de la ville revient à l’artiste vallaurien Marc Alberghina pour son « auto-combustion spontanée » qui représente un corps humain qui s’est enflammé spontanément implanté au sein d’un vieil écran télé noir et blanc : une critique de notre société où l’homme est asservi par le travail et termine sa vie par un burn out total.
L’ensemble des artistes présents pour ce concours nous offre de découvrir une délicatesse des formes et de la matière céramique. Comment rester insensible à la charge érotique des sculptures de l’italienne Martha Pachon qui fait surgir, au fond d’un artichaut stylisé, un sein ?
Autre registre, plus conceptuel, avec la française Cathy Coez et son « Four hundred deaths » : une collecte de mines anti-personnelles, de mortiers, d’explosifs en tous genres… Rassurez-vous, tout cela n’est que représentation de ce qui ressemble à des objets pouvant causer la mort… l’artiste signe à travers cette composition de formes plastiques et colorées une œuvre abstraite minimale et narrative.
Kim Joon – Musée Magnelli, musée de la Céramique
Kim Joon est l’artiste coréen invité du musée. Ne cherchez pas après les céramiques réelles : l’approche de l’artiste n’est pas physique mais virtuelle. Les huit œuvres présentées proviennent de deux séries « Drunken » et « Fragile », un logiciel de 3D a permis de concevoir avec précision ces tableaux numériques aux effets de matière imitant la porcelaine. Les contenants sont devenus des fragments de corps humains jonchant les compositions où seule l’enveloppe charnelle demeure, les corps ont été vidés de leur contenu pour ne laisser qu’une peau ornée de tatouages, s’inspirant des décors des grandes manufactures européennes, des motifs inspirés de l’Extrême-Orient et de logotypes du monde capitaliste. L’identité humaine est au cœur de ses travaux, l’artiste se fait critique d’un mode de vie lié à la consommation où le corps humain est devenu un objet de désir.
La Corée du Sud à l’honneur – Salle Eden
La Biennale de Vallauris met à l’honneur les créations contemporaines de la Corée du Sud dans le cadre de l’année France-Corée. Ce pays possède une tradition ancestrale de la céramique. Longtemps ignorée, celle-ci fut redécouverte après la guerre de Corée en 1953. Une renaissance qui permis à cet art de s’épanouir en s’ouvrant aux influences internationales tout en préservant son identité.
L’idée du bestiaire prend une large place chez l’artiste Maeng Wook Jae, qui nous invite à la méditation. Il met en scène une colonie de rats de porcelaine blanche aux yeux dorés ayant envahi une structure de palettes en bois…ces créatures sociales sont « imperceptibles », car obligés de se cacher pour se protéger de l’homme, mais l’œuvre intitulée « A large family » nous rappelle alors que l’homme est aussi un animal…
Kim Minjoo questionne les canons de la beauté féminine à travers une série de poupées Barbie en porcelaine : maigre, grosse, blonde, brune… Doit-on se couler dans un moule physique pour mieux s’intégrer à la société ?
Lee Seung-Hee travaille la porcelaine à la manière d’un bas-relief, tout en subtilité, dans l’œuvre « Tao ». Il fait surgir aux extrémités de la surface plane deux vases, tel un dessin en perspective, et peint sur ces reliefs de la végétation. Inspiré par la philosophie et l’art chinois, l’artiste signe un tableau d’équilibre et d’unité.
La Corée du Sud possède une scène céramique d’une grande richesse artistique, empreinte de poésie et de diversité, il faut prendre le temps d’admirer les délices que nous offre l’Eden.
Made in Netherlands – Maison des quartiers
Le collectif Droog Design est à l’origine de la métamorphose du design néerlandais à la fin du 20e siècle grâce à une épuration de la ligne, un apport de couleurs nouvelles et une touche d’humour décalé. On connaissait la faïence de Delft au 17e siècle, les classiques bleu et blanc… de ce savoir-faire prenons la matière et réinventons-la pour surprendre l’œil ! La Biennale de Vallauris présente un ensemble d’œuvres de la collection Centerpieces, produites par la manufacture néerlandaise Cor Unum.
Le studio Job a créé, en collaboration avec Jurgen Bey et Hella Jongerius, en faïence de Delft, trois « Pyramids of Makkum » (tulipières ou vases de forme pyramidale nés à la suite de la mode de la tulipe au 17e siècle), une composition surréaliste de superposition d’objets (pipe de Magritte, un immeuble, une cafetière et une bouilloire en suspension, le tout relié par des vapeurs dorées). Ici, l’accumulation finale surprenante fait disparaître l’idée du vase.
A l’image de ce vase irréel, une nouvelle génération de designers céramistes émerge avec pour mission de repenser l’objet.
Refugium, Christin Johansson – Salle Arias
L’artiste Christin Johansson est invitée à investir un nouvel espace d’exposition récemment aménagé au cœur de la ville, dans l’ancien salon de coiffure d’Eugenio Arias où se rendait notamment Picasso lors de ses séjours à Vallauris. Elle y concevra une installation originale. L’artiste effectua également une performance durant une semaine avec un co-performeur, Peter Scherrebeck Hansen (du 2 au 9 juillet). La captation vidéo de cette performance est présentée à partir du 9 juillet dans la salle Arias. Ces deux artistes créent un espace à la fois physique et énergique, mais également intérieur et intime, dans lequel aucune parole n’est échangée. Les spectateurs sont invités à prendre part à la performance, à s’approprier cet espace expérimental, ce lieu de silence intérieur, ce « refuge ».
Objets ? … Objections ! – Salle Agard
Depuis le début du 20e siècle, l’objet manufacturé s’est glissé dans les collages cubistes de Picasso (encore lui !) puis s’est muté en œuvre d’art à part entière avec l’urinoir de Marcel Duchamp. Les artistes questionnent notre regard sur les objets du quotidien. Ici les objets ne sont pas manufacturés, mais conçus pour être détournés de leur contexte d’origine.
Livia Marin nous présente « broken things » : 2 tasses semblant se fondre avec leurs décorations comme si elles retournaient à leur état d’origine.
« Dead nature : Chaos » de Bouke de Vries restitue la fragilité à travers un assemblage d’éclats d’assiettes tout en réinventant une nouvelle expression plastique.
Didier Faustino reste énigmatique et ambigu avec « the naked lunch » : cet objet de forme oblongue dispose d’une ergonomie trouble dont on ne lui connait pas de fonction déterminée. L’objet de taille modeste en porcelaine extra-blanche émaillée procure un aspect esthétique et sculptural. L’objet est un défi pour les créateurs et pousse la céramique à dépasser les valeurs d’usage de celui-ci pour faire naître de nouvelles formes esthétiques inattendues.
Bertozzi & Casoni : rêves éveillés – Espace Grandjean
Les deux artistes italiens Giampolo Bertozzi et Stefano Dal Monte Casoni se sont rencontrés à l’Institut national d’Art de la Céramique à Faenza en Italie, et ont entamé depuis lors une collaboration qui les rend inséparables. Avec les années 2000, le duo s’est tourné vers l’utilisation de matériaux et de technologies industriels afin d’apporter un réalisme à leurs sculptures peintes. La production d’objets confronte le passé et le présent, l’homme et son environnement, les thèmes classiques et notre époque moderne. Visions pessimistes de la société non teintées d’humour noir, leurs œuvres nous renvoient de manière récurrente à notre société de consommation en se focalisant sur les ordures rejetées par l’homme dans la nature. Autant de compositions qui mettent en scène des natures mortes, ou plutôt des vanités contemporaines, afin d’évoquer la vie humaine et son caractère éphémère.
Autres expositions
Prenez le temps de découvrir ces deux autres expositions situées à Vallauris.
« D’une Chouette l’autre, Picasso et les oiseaux de nuit » : jusqu’au 19 septembre 2016 au Musée national Pablo Picasso, La Guerre et la Paix – Place de la Libération – Cette exposition présente une quinzaine de céramiques et de sculptures de Picasso chez qui l’oiseau nocturne exerçait une réelle fascination. Allégories de la sagesse ou de mauvais augures, hiboux et chouettes prennent un sens ambivalent dans l’œuvre du maître.
Dewar & Gicquel à Madoura : jusqu’au 31 août 2016, angle rue Ramié/ Avenue Gerbino. Le duo d’artistes Daniel Dewar et Grégory Gicquel revendique une pratique du fait main. Dans de courtes vidéos de photos animées, ils mettent en scène la réalisation de sculptures en argile crue, sorties directement de la terre et questionnent notre rapport aux canons esthétiques établis.
(« 24e Biennale Internationale de la Céramique de Vallauris. Création Contemporaine et Céramique », début du parcours au Musée Magnelli, 06220 Vallauris, du 2 juillet au 31 octobre 2016, http://www.vallauris-golfe-juan.fr/-Biennale-Internationale-de-.html ; tous visuels © Stéphane Chemin)