Que reste-t-il ? Peut-être le bon sens, l’envie de plus de générosité, le besoin de partager, le sens de l’instant, l’attrait de l’authentique ? Tout à la fois, mais surtout à la manière contemporaine d’une société connectée et résolument technologique…

Etes-vous néo-engagés, conso-malins, écolo-nostalgiques, ou pire écolo-coupables ? Voici le grand retour des fondamentaux : le bon sens resurgit du passé paysan. Ainsi que l’explique un livre aux plumes plurielles « A nouveaux consommateurs, nouveau marketing », Editions Dunod, 2011 : « l’achat n’est plus vu comme un acte égoïste qui n’engage que le consommateur mais un acte qui engage la société dans son ensemble. D’un certain point de vue l’achat devient un acte civique qui doit contribuer au bien-être général de la société. Ce phénomène est toutefois observé auprès de ceux qui ont les moyens de dépasser une simple consommation de survie… » Bon sens, vous dis-je ! Quand l’égocentrisme devient un chemin détourné vers les autres, on devient un « lohas ». Parmi leur credo, consommer autant …mais mieux ! Comme l’écrit un bloggeur  avec humour : « Lohas (Lifestyle Of Health And Sustainability) est un mouvement d’adeptes du mode de vie pour la santé et la durabilité. Les Lohas sont écolos mais pas trop, sont contre le superflu, mais ne se privent pas pour autant du dernier bijou de technologie. Contradictoire ? ». Le soi qui profite aux autres. L’oxymore « égoïsme généreux » en fin de compte correspond à chacun de nous, à un moment ou un autre…soyons lucides !

Bernar Venet à Versailles - Odilon Redon Lithographie de la série Edgar Poe

Bernar Venet à Versailles – Odilon Redon Lithographie de la série Edgar Poe

Tout se récupère : du beau temps à la pluie ! Depuis les mégots de cigarettes convertis en vêtements, jusqu’aux sacs plastiques mutés en accessoires mode et design, on ne compte plus les initiatives originales, voire inattendues, qui passionnent les stylistes. Art nouveau,urban concept ou ecodesign ? En devenant une forme d’expression à part entière, la récup. se fait définitivement tendance mode et interpelle…Les déchets sont en effet devenus un vaste souci collectif. Présents tout autour de nous, et chez nous évidemment, ils peuvent (doivent !) être une matière première.

Jouir d’abord ! Posséder peut-être ? Hier, la possession et la richesse matérialisaient les valeurs de la société. Aujourd’hui, l’idée de jouissance supplante celle d’acquisition, faisant de la valeur « bien-être » le superlatif du concept d’ « avoir ». On parle alors de « capitalisme naturel » ou encore de consommation collaborative.

La notion de prix se cale sur des critères matériels. La « jouissance », en revanche, revêt des atours plus sensuels « …le consommateur n’achète plus un bien, mais le droit de jouir de celui-ci pendant un laps de temps donné… ». Il semble qu’un renversement de valeurs capitalistiques apparaisse en filigrane de nombreux actes d’achats. Est-ce un résiduel de la précarité des objets ? Un relent du « jetable » ? Une prise de conscience de l’obsolescence accélérée intrinsèque à toute technologie ? Pourquoi pas tout à la fois, plus un je-ne-sais-quoi d’impalpable, davantage relié aux philosophies asiatiques. En effet, Tao et Zen ont tranquillement coloré les esprits occidentaux de leurs nuances détachées…

Début des années 1970, Claire Héber-Suffrin, modeste institutrice, fait figure de pionnière loufoque avec son idée de réseaux de partage des savoirs (les MIRERS). Aujourd’hui, quelques milliers de réseaux plus loin (plus de 600 rien que dans l’hexagone, soit environ 100 000 personnes d’Est en Ouest), elle a semé ses émules comme autant de graines de projets indépendants et originaux ! Sur un plan plus concret, les sites et associations de trocs de matériels, de covoiturage, etc. pullulent, affichant un succès persistant, créant des liens humains bien au-delà du simple échange de départ.

StreetArt MOCA New-York

StreetArt MOCA New-York

Dans les cités, la nature s’offre un pied à terre. Du nord au sud de l’Europe, le végétal envahit le bitume, squatte les toitures, réquisitionne les balcons, se glisse jusque dans nos intérieurs. Qui aurait d’ailleurs dit que l’Opéra Garnier récolterait un jour son propre miel depuis les toits de Paris et le vendrait aux mélomanes gourmands ? Quel oléiculteur aurait imaginé revendre à prix d’or le vieil olivier épuisé ? Quel étudiant en herbe aurait supposé pouvoir, un jour, devenir « harmonisateur urbain » ? Pleins d’exemples où la fraîcheur le dispute à l’invention !

Du salarié au consommateur, de l’adolescent au retraité, l’ « information » et la connaissance qu’elle engendre sont en train de modifier en profondeur les rapports professionnels, sociaux et humains. S’ouvrir aux autres depuis chez soi revient à tenter de concilier deux regards, celui de soi-même et celui d’autrui. Une fois l’écueil du strabisme franchi, voici une approche différente du rapport à l’autre qui augure de profonds changements de réflexes d’achats. En effet, l’information non consensuelle et l’expérience des « autres » deviennent accessibles, visibles, donc attirantes ! Mieux encore, elle exige une réciprocité, source de dialogues critiques inattendus…

Par exemple, grâce à l’avènement du « crowdsourcing » sont nées les « ideagoras », un nom savant pour expliciter l’émergence de communautés innovantes de consommateurs qui réfléchissent, en commun via le web, aux problématiques d’industriels et de producteurs. Les professionnels des réseaux et des medias parlent d’ailleurs de génération « C » (pour Connectée), à propos des 12-24 ans dont une poignée – universitaire, écologiste et ultra-technologique – est bien décidée à utiliser les outils web pour autre chose que l’amusement post-pubère. Blogs, réseaux sociaux, wiki, etc. ont ouvert une autoroute d’informations dont la destination ne cesse de repousser l’horizon, modifiant le paysage sociétal. Déjà, les méthodes managériales, fleurons d’HEC, s’avèrent cruellement ringardes, écornant un long passé capitalistique.

Et demain ? Information et Evolution semblent ainsi devenir deux mamelles où chacun viendra se nourrir, progresser, en faisant progresser autrui. De toute façon, il y a fort à parier que le mot même de « consommation » aura disparu du vocabulaire de cette fin de siècle…Qui vivra, verra ! Ainsi que l’avoue le réalisateur faussement pessimiste qu’est Woody Allen : « L’avenir est la seule chose qui m’intéresse car je compte bien y passer les prochaines années ! ».