De tous les animaux du riche bestiaire iconographique et ornemental de la marque, la panthère occupe une place historique dominante chez Cartier. Symbole féminin et conquérant, la panthère Cartier appartient au mythe du grand livre de la parure. Son motif ocellé et musculeux n’a cessé d’évoluer et de se réinventer au fil des dessins des artisans-joailliers. Des hommes aux doigts 24 carats, qui adaptent sa silhouette tout en courbes aux mille et un caprices de créations toujours plus inventives et spectaculaires, allant jusqu’à créer de nouveaux procédés techniques et de sertissage pour insuffler vie au délicat félidé.
Le livre Cartier : Panthère, revient aux sources de cette fascination sauvage avec plus de 150 photographies, et la contribution intelligente de quatre auteurs dévoilant, chacun dans son domaine, une facette spécifique de « la fièvre panthère ». Autant d’aspects explorant l’art, l’histoire, la joaillerie et la mode qui remettent en perspective de façon exhaustive cette icône culturelle.
Le volet artistique revient à la journaliste Bérénice Geoffroy-Schneiter. Au chapitre historique, la spécialiste d’histoire de la création joaillière, Vivienne Becker, jette la lumière sur cette insaisissable panthère. Depuis les débuts en 1847, à Paris, le design est une affaire sérieuse chez Cartier. L’entreprise va même se doter de son propre studio de création. Les premières décennies seront celles de styles uniques, qui bousculent et renouvellent la façon de concevoir ou de porter un bijou. Ce seront les pièces Art déco, le motif « Guirlande » conservé de nos jours sur les écrins rouges emblématiques de la Maison…Les commandes affluent, tant et si bien qu’au début du 20e siècle, Cartier vend autant à l’aristocratie, à la bourgeoisie, qu’aux personnalités de la société du spectacle naissante.
Orfèvre formée à l’évaluation de diamants bruts, désormais commissaire-priseur attachée aux ventes du secteur diamantaire, Joanna Hardy fait partager dans l’ouvrage le savoir-faire des ateliers, la minutie, la méthode et les progrès employés au cours du temps pour que jaillisse une panthère Cartier. Enfin, André Léon Talley, reporter mode au Vogue US, y fait montre de son attachement pour la grâce sans pareille de l’élégante panthère. Un motif récurrent et une source d’inspiration inépuisable pour les créateurs de mode qui se sont depuis longtemps réapproprié ses codes pour la restituer dans des versions brodées, imprimées, inspirées des couleurs et de l’énergie du vibrant prédateur.
Les choix iconographiques du livre sont à la hauteur de leur modèle. Pelage, postures, attitudes du félin sont ici reproduits en très haute qualité. Cartier : Panthère témoigne d’un catalogue et d’archives si riches que, chez Cartier, il existerait une panthère pour chaque moment de la journée, qui corresponde à l’humeur de son propriétaire comme à l’état d’esprit qu’il souhaite véhiculer. Comme tout symbole, la panthère est bien plus qu’un ornement de cou ou de poignet. Elle est, chez celui ou celle qui l’arbore, l’équivalent contemporain des armes, blasons, chiffres des temps anciens. Sa magie réside dans le message d’appartenance à un clan qu’elle véhicule. En l’occurrence, le clan Cartier. La « griffe » Cartier !
(« Cartier : Panthère », Collectif, éditions Assouline, relié sous coffret, 150 ill. couleur, sortie printemps 2015, 300 pages, 150€ ; tous visuels reproduits avec l’aimable autorisation de l’éditeur)