« Schastlivogo Rozhdestva ! » C’est ainsi que l’on dit « Joyeux Noël » au pays de Tolstoï. En Russie, les fêtes de Noël sont propices à de multiples interprétations imbriquées les unes dans les autres, chacune renfermant une signification à la manière des matriochkas, ces poupées slavonnes emboîtées qui vont diminuant au fur et à mesure de leur découverte. Mais, à l’Est de l’Europe, un point met tout le monde d’accord : le calendrier.
Ce sont les pères de l’Eglise orthodoxe de Russie qui décidèrent, en 1582, de refuser la réforme de l’ancien calendrier Julien. Imposé au reste du monde chrétien, le calendrier grégorien (du nom du pape Grégoire XIII) ne pénétra donc pas les immenses forêts sibériennes et les palais de Saint-Pétersbourg. Ainsi, la vieille Russie continua de régler son pas et son année sur l’antique mode, soit le jour de Noël tombant le 7 janvier, et le Nouvel An le 14 janvier !
Dépositaires de cet héritage, les russes d’aujourd’hui savent-ils qu’ils perpétuent inconsciemment, par leur joie et leur amour de la fête, un très vieux rite païen ?
Russie, Troïka et Ded Moroz
Ded Moroz, alias « Bonhomme Hiver » ou « Père Gel », est le Père Noël russe. Né d’une légende païenne (avec Baba-Yaga, la méchante sorcière trouble-fête), il porte un costume rouge richement brodé d’étoiles, voyage en troïka tirée par des chevaux. Point de rennes ici.
Noël a même investi le Kremlin où, chaque année, un pin immense fait office de sapin pour les 5000 enfants invités. Dans les villages bloqués par la neige, les koliadki perpétuent un rite ancien, de maison en datcha, du 24 décembre au 6 janvier. Affublés de masques, fausses barbes et lourds manteaux, déguisés en bouc, cheval, vache, grue, cochon ou renard, ils portent l’effigie de la chèvre de paille de koliada. Eclairés par une bougie et munis d’une perche étoilée pour frapper aux portes, ils brandissent un large sac que les gens remplissent de monnaie ou de cadeaux en nature. En échange, les koliadki chantent leurs bénédictions. C’est prétexte à beaucoup de bruit, à grand renfort de clochettes, pour faire fuir les esprits malins.
Une tradition…revisitée !
D’ailleurs, la plus ancienne tradition voulait que l’on jeûne au soir de Noël, les agapes ne se déroulant que tard dans la nuit après avoir marché et tambouriné lourdement aux portes des maisons en signe de porte-bonheur ! Figure tutélaire du folklore russe, Ded Moroz est toujours accompagné d’une enfant : Snegourochka, la « Petite fille des Neiges ». Toute vêtue d’une robe bleue recouverte de brillants, elle est inséparable de son diadème orné de pierres précieuses : le kokochnik. Un rêve de toute petite…A cette période de l’année, les enfants sont bien-sûr en vacances et ne sont pas les derniers à participer aux divers outrenniks, des spectacles du matin qu’organisent les familles, en présence du Père Gel et de l’armada de personnages facétieux que compte le riche imaginaire russe !
Président de Courchevel Tourisme et ancien maire de Saint Bon Courchevel, Gilbert Blanc-Tailleur déclare : « La clientèle russe est devenue incontournable, notamment en janvier. Il est donc important de la respecter. »
Le sacre de la neige
A Courchevel, c’est tout l’esprit furieux de la Russie qui déferle sur les pistes enneigées dès le mitan de décembre. En effet, pour quelques 2000 résidents permanents (dont l’homme d’affaires russe Nikolaï Sarkissov et son chalet nommé « La Perle noire ») aux abords givrés de Courchevel, la célèbre station accueille une moyenne de 20 000 touristes russes, représentant pas moins de 70% de la clientèle la première semaine de janvier !
Que recherchent ces hôtes venus du (grand) froid à Courchevel ? Avides d’un cadre de vie sur-mesure, à la recherche de paysages dignes de leur faire passer le mal du pays, la vague russe se sent chez elle entre les monts de la station savoyarde. Qui le lui rend bien : la descente aux flambeaux menée par plusieurs centaines de moniteurs de l’Ecole de ski français (ESF), culminant en un grand feu d’artifice illuminant le ciel de Courchevel, le 6 janvier au soir, reste un moment unique dans l’histoire de la station, foi de skieur ! Crise ou pas crise, les russes n’en ont cure et profitent des multiples bonheurs qu’offre le Courchevel huppé !
Soucieuse d’accueillir cette clientèle bigarrée comme il se doit, la municipalité chausse ses plus belles bottines avant de déblayer ses rues étroites pour l’arrivée d’une armée de Bentley et de Mercedes carrossées comme à la foire de Roubliovka (quartier chic de l’ouest de Moscou). Les boutiques alignent les zéros et le tiroir-caisse claque : on vend des skis, bien entendu…incrustés de diamants, ils se vendront la modique somme de 85 000 Euros ! Mais chut !, si l’excès est roi pour les fêtes de Noël, le bon sens peut parfois casser l’ambiance…et nuire à la vente.
La vendeuse d’une prestigieuse marque de luxe avec pignon sur rue déclare même, à l’abri des regards : « …hier, une cliente russe a craqué pour un jeté de lit en chinchilla à 62 000 Euros. Il est toutefois préférable de ne pas s’asseoir ni de s’allonger dessus : la fourrure s’abîmerait… ». Chaque année, le lancement du « Bal de la neige » sonne l’ouverture de la saison à Courchevel, avec dans son sillage un maelström de fourrures au charme polaire.