« Regarde la lumière et admire sa beauté. Ce que tu as vu d’abord n’est plus. Ce que tu verras ensuite n’est pas encore. » Phrase attribuée à Léonard de Vinci
Spécialiste de l’ère Renaissance, auteur d’une cinquantaine d’ouvrages, Gonzague Saint Bris est un infatigable passionné de l’Histoire et des hommes qui la forgèrent. Amoureux de la Renaissance, il évoque « une époque à la destinée immense, un âge de transition entre l’ancien monde et le nouveau ». Il déclare : « la Renaissance incarne un mouvement qui va de l’avant, dans lequel, au même moment, dans une conjonction absolue des poussées humanistes, un grand nombre de personnalités visionnaires de premier plan vont s’illustrer. » Gutenberg, Michel-Ange, Léonard de Vinci, pour ne citer qu’eux, font partie de ces renaissants de génie. Comme le note Gonzague Saint Bris dans sa préface (en anglais) au livre : « La Renaissance, c’est le règne de la parure et l’on pourrait dire que c’est un art d’emblée européen qui s’impose d’une manière internationale. »
Il évoque ainsi les trois âges de la Renaissance : Trecento, Quattrocento et Cinquecento. « Portés autant par les hommes que par les femmes, les bijoux étaient aussi collectionnés comme objets d’art, recherchés dans les cabinets de curiosités ou conservés pour leur valeur. » Plus loin, Gonzague Saint Bris fait remarquer : « Mais la forme, l’âme, la finesse de la Renaissance, c’est à la souveraineté de la femme que nous les devons. » Et de mentionner les grandes dames dont les vies, entre légendes et vérités, nous sont parvenues : Christine de Pisan, Suzanne Erker, Lady Margaret Beaufort, Marguerite d’Ecosse, Sophie Paléologue, épouse d’Ivan III… « Anne de Bretagne, Louise de Savoie, Marguerite de Navarre, toutes trois dames de qualité du Clos-Lucé à Amboise, le château de ma famille où Léonard de Vinci résida à la fin de sa vie », énonce-t-il.
Signe de l’empreinte du beau sexe sur l’histoire des bijoux de la Renaissance, les éditions Assouline ont choisi le portrait d’une femme pour orner la couverture du livre d’art : Elisabeth d’Autriche par François Clouet (1571).
Ouvrage d’actualité au propos à la fois particulier et universel, Jewels of the Renaissance est aussi un morceau d’Histoire enfin disponible illustré. En effet, le volume reprend en anglais le texte original d’Yvonne Hackenbroch publié en 1979, Renaissance Jewellery, devenu depuis une référence mondiale incontestée. Après des études en Histoire de l’Art à l’Université de Munich où elle reçoit son doctorat en 1936, Yvonne Hackenbroch (1912-2012) travaille en partie au British Museum et participe au catalogue du trésor de Sutton Hoo. Le Metropolitan Museum of Art de New York la recrute en 1949. Elle deviendra conservatrice spécialisée dans l’art de la Renaissance et finira par compiler sur le papier la somme fantastique de ses connaissances amassées sur le sujet. Le résultat, Renaissance Jewellery, marque une pierre blanche dans l’expertise historienne du thème joaillier en même temps qu’une avancée considérable dans la compréhension synthétique que nous pouvons avoir de la Renaissance à travers ses usages, ses codes et ses inventions par le prisme de l’ornement.
Gonzague Saint Bris l’écrit dans sa préface : « à l’époque le terme bague s’appliquait aux bijoux et l’enseigne était un ornement cousu sur un couvre-chef. » Les techniques de taille et d’apprêt évoluent dans le sillage du règne de François 1er. Les cours françaises et italiennes découvrent l’emploi de l’émail sur les bijoux et succombent à l’éclat incomparable des pierres facettées. En Europe aussi, tout change. Les jeux de pouvoirs et d’alliances des grandes maisons impulsent une aura de révolution artistique via les fines stratégies de puissants mécènes. Ces derniers, pour asseoir et leur influence et leur patrimoine, vont ainsi commanditer les célèbres joyaux que nous envions encore au monde Renaissance. Enfin, les colonies établies de fraîche date, deviennent à la fois un réservoir minier de matières premières pour certaines, et une source inépuisable d’inspiration pour d’autres, à l’origine de la débauche créative des orfèvres. Lesquels rivalisent d’imagination à travers autant de sujets avant-gardistes traités à la pointe de la technologie dont ils disposent et que, dès lors, ils ne vont cesser d’améliorer : motifs mythologiques, végétaux et arabesques inspirés du Levant et d’Orient, bestiaire fantastique saisissant de réalisme, charivari multicolore des pierres précieuses, incarnat des diamants d’exception qui méritent depuis leur sobriquet si moderne de « diamant de sang »…Tout concourt pour ces artisans adoubés maîtres d’art à forger un « style Renaissance » incontesté, reconnaissable de mille feux jusqu’à aujourd’hui.
Puits de savoir, de science et d’émerveillement, le texte d’Yvonne Hackenbroch est à lui seul un joyau enfin mis en valeur par les éditions Assouline.
Créateur et Président du festival La Forêt des livres qui a fêté ses 20 ans en 2015, Gonzague Saint Bris incarne à la fois un témoin et un passeur de l’idéal humaniste de la Renaissance dans ses idées et ses engagements. Il lance : « La Forêt des livres, c’est le Woodstock de la littérature ! Nous venons de souffler nos 20 bougies avec 200 auteurs invités, 70 000 visiteurs à la journée, une manifestation 100% gratuite autour de la culture, de la joie de célébrer les livres tous ensemble. J’en suis très fier ! » Et d’ajouter : « Les renaissances ne sont jamais nées dans des périodes faciles ou fastes. De nos jours, je pense que nous sommes à l’orée d’une nouvelle Renaissance. Comme la précédente, notre époque invente de nouveaux modes de vie, de nouveaux métiers, de nouvelles façons d’exister et de se réaliser pour chacun. C’est le règne de la pluridisciplinarité, comme l’époque romantique le fut. Nous vivons, sans le savoir forcément, un temps de grandes révolutions. »
Gonzague Saint Bris conclut sa belle préface au livre par ces mots d’espoir qui nous enchantent : « Ainsi la Renaissance nous enseigne-t-elle à admirer l’intelligence de la grâce et la grâce de l’intelligence quand les hommes portaient des bijoux, tandis que les épaules des femmes ployaient, sous le poids toujours léger, des joyaux ! »
Pour Jewels of the Renaissance, 200 illustrations couleur nous font revivre cet art de la parure, signes extérieurs de pouvoir et de beauté qu’incarnent les ornements précieux de l’époque Renaissance. Un ouvrage remarquable qui marie harmonieusement luxe visuel et finesse d’esprit.
(« Jewels of the Renaissance », éditions Assouline, d’Yvonne Hackenbroch, préface de Gonzague Saint Bris, édition en anglais, 200 ill. couleur, 292 pages, sortie octobre 2015, 175€ ; tous visuels reproduits avec l’aimable autorisation de l’éditeur)