A Paris, deux visions de la mode homme s’affrontent pour l’Automne-Hiver 2015 : coupes effilées à angle droit, caractéristiques de l’allongement drastique de la silhouette dans le vestiaire masculin ces dernières années, contre l’effet aérien, way of life qui s’oppose à la dureté de l’époque et renoue avec des volumes et proportions cool, tout en douceur. Ce qui n’empêche pas l’effort de structure !
Issus de la même génération de stylistes étrangers à avoir élu Paris comme leur capitale de la mode au point d’y être fidèles chaque saison, Paul Smith et Yohji Yamamoto ont en commun plus que le sens du détail et une narration forte dans leurs collections : ce sont de vrais artistes, des showmen nés !
Paul Smith : triangle magique !
Dans son défilé Automne-Hiver 2015/2016 qui s’est déroulé sous la sublime rotonde verrière de l’ancienne Bourse du Commerce, Paul Smith a imaginé un homme 70’s, jeune et frais, à la grâce graphique. La décontraction des manteaux longs, les pantalons à la taille very british attitude en laine fine grise ou grège portés ceinturés, le thème omniprésent cette saison du triangle, sur des foulards en soie, en pendentifs, imprimé sur des t-shirts, tout concoure à faire de cette collection un must have de l’hiver.
Paul Smith est en fait un grand gamin pour qui la mode est un jeu, et ça se voit ! Hyper disponible et concentré, charmant et chaussé ce jour-là de baskets blanches, le créateur britannique signe ici le défilé le plus relax de la semaine. Et l’un des plus attendus. Classe, un brin rétro par son élégance intemporelle, sa mode gagne encore le pari de surprendre par des choix alternatifs.
A ce titre, la nouveauté chez Paul Smith à l’hiver 2015 sera sans conteste la fourrure. Elle est déclinée oversized sur des manteaux qui pèsent leur poids de bête, négligemment jetés sur les épaules des garçons, façon toundra. Elle apparaît aussi par touches ornementales, cousue sur un sac de voyage, ou plaquée sur le dessus des grosses chaussures noires, graphites ou marron. Des silhouettes qui ont la grâce d’un faon, assez fortes pour installer l’homme Paul Smith comme un incontournable de l’hiver prochain.
Yohji Yamamoto : black shogun !
Dans la semaine de la mode homme, la présentation d’une nouvelle collection de Yohji Yamamoto est toujours un événement. A rebours des courants capricieux de la tendance depuis 50 ans, la mode de Yohji Yamamoto est instantanément identifiable, imprimable, portable. Ses looks unis, très souvent noirs, sont devenus des intemporels classiques. Mais Yamamoto sait aussi se renouveler. Le couturier japonais nous a montré une fois de plus cette semaine l’étendue de sa palette artistique.
La cabine de mannequins était fardée avec un make up livide, limite trash si on considère les scarification, bleus et balafres qui leur barraient le visage. Cheveux libres, teints de gris à la bombe par endroits, l’homme Yohji Yamamoto de l’hiver 2015 incarne un esprit rebelle, rétif à toute forme de censure. Les proportions des vêtements, si elles sont définitivement inscrites dans l’ADN de la maison, déplacent subtilement la ligne de regard. A côté des pièces amples, des pantalons courts, des chemises à volants, le styliste décline des vestes en laine bicolores, des mailles bouillies et déchirées pour une collection à l’aspect martial.
Les silhouettes ultra noires du début, chaussées de boots elles aussi noires laissent progressivement la place à des imprimés, grosse nouvelle de la saison. Les couleurs claquent bien, notamment avec un étonnant camouflage rose et lie de vin ou vert militaire sur des costumes en velours façon jogging. Une rigidité contrastée, subtilement loose, qui bouscule à l’image de cette collection ambiguë, avant le final et des total looks blancs qui nous rappellent qu’au Japon, le blanc est le vrai noir !
(Paul Smith, http://www.paulsmith.fr/ ; Yohji Yamamoto, http://www.yohjiyamamoto.co.jp/ ; photos copyright Stéphane Chemin)