« Un autre Renoir » au Musée d’Art moderne de Troyes
Renoir, connu comme étant l’un des plus grands peintres français de la fin du 19e siècle et du début du 20e, aura contribué à l’avènement du mouvement impressionniste avec Frédéric Bazille, Claude Monet, Berthe Morisot, Alfred Sisley et tant d’autres compagnons… Ce mouvement pictural fut en totale rupture avec la peinture dite « académique », il s’agit de peindre l’instant du quotidien et sortir de l’atelier pour y saisir la lumière en direct sur la toile.
Les débuts furent difficiles, mais Renoir persista dans cette aventure grâce à l’aide de son ami et mécène, Gustave Caillebotte. Il s’adonne alors pleinement à son art en allant peindre des lieux populaires, tels la Grenouillère et tous les endroits où il fait bon vivre.
Peindre en plein air l’incite à saisir le sujet le plus rapidement possible, sa touche se fragmente et travaille les effets de lumière en abandonnant le noir pour les ombres, adopte une palette plus lumineuse… Renoir poursuit dans ce sens pour le « Bal du moulin de la Galette » où la lumière vibre de partout sur l’ensemble des personnages. L’artiste saisit la vie parisienne populaire et doit satisfaire les commandes de portraits qui le font vivre financièrement dans les années 1880. Le style du peintre évolue au cours des années suivantes, vers un style empreint de plus de classicisme. Dans les années 1890, la touche impressionniste reste dans la fluidité des traits, certes, mais ses sujets de l’époque s’inspirent des chantres de la « belle peinture », tel Ingres. Inspiré par ce retour à un esthétisme plus classique, Picasso (qui collectionnait Renoir avec passion !), à l’instar de ce dernier, n’aura-t-il pas lui aussi sa période à contre-courant de l’impressionnisme, en revenant aux sources ?
Dès 1888, Renoir sent le besoin de s’éloigner du tumulte parisien afin de s’isoler pour mieux retrouver son élan créatif. C’est là qu’Aline Charigot, maîtresse, puis épouse de l’artiste deux années après, lui fait découvrir son village natal d’Essoyes. Renoir y découvre la vie paysanne qui va lui inspirer de nouveaux sujets. Il séjournera régulièrement dans ce pays de Cocagne pour retrouver la quiétude et la simplicité de l’existence. En 1896, il décide d’acheter une maison et des dépendances avec l’idée d’y passer les étés avec sa famille, et aussi, pour y recevoir un grand nombre d’amis. L’exposition « Un autre Renoir » met en lumière cette période mature du maître qui choisit de prendre de nouvelles directions artistiques.
Une cinquantaine de tableaux de Renoir et d’amis artistes issus de différentes collections françaises, dont celles du musée d’Orsay et de l’Orangerie, offre un regard nouveau sur l’œuvre de l’artiste, à travers cinq thématiques, originales ou inédites.
Une galerie de portraits de Pierre-Auguste Renoir s’invite dans la première section, l’autoportrait de l’artiste accompagné d’une figure féminine semble habité par son modèle et dévoile aux visiteurs une image toute singulière, les autres portraits étant réalisés par ses contemporains, parfois plus jeunes, avec lesquels le maître entretenait des liens d’amitié.
Tout au long de sa vie, Renoir s’est attaché à peindre des natures mortes perpétuant un genre classique. Un bouquet de fleurs du jardin, des fruits du verger posés sur une table, des poissons dans une assiette, permettent de découvrir un processus créatif qui lui servira à composer ses œuvres à travers une palette étoffée, palette de l’artiste que l’on retrouve physiquement aux côtés des toiles.
Dans les années 1880, le peintre a tout donné pour l’impressionnisme, il se sent arrivé dans une impasse artistique et s’oriente vers un art plus intemporel : le village d’Essoyes deviendra son lieu de renaissance artistique.
Toute sa famille sera croquée et peinte dans la plus grande intimité, tout d’abord sa femme, Aline. Mais aussi, Gabrielle Renard, qui fut la cousine de son épouse ainsi que la nourrice de ses fils. En 1885, à la naissance de son fils Pierre, Renoir s’empare du sujet de la maternité à la manière d’une vierge à l’enfant. Il s’initiera à la sculpture pour saisir enfants et épouse, mais aussi une Vénus inspirée d’une muse d’Essoyes… Ici, tout est propice à la beauté, le maître saisit l’innocence des femmes se baignant dans la rivière de l’Ource et capte la communion de celles-ci avec la nature. Cette vision antique et mythologique de la femme idéalisée en baigneuse nue inspirée des anciens maîtres tels Ingres, Raphaël ou Fragonard n’est pas bien reçue par l’avant-garde. Son marchand, Durand-Ruel, lui conseillera d’ailleurs d’abandonner, et à plusieurs reprises, ses recherches…mais l’artiste n’aura que faire de ses demandes de boutiquier !
Enfin, la dernière section présente la collection Renoir (composée de six toiles sur sept) ayant appartenu à Picasso et issue de la dernière période. Malgré les vastes différences artistiques entre les peintures sensuelles de Renoir et les œuvres avant-gardistes de Picasso, le maître catalan est entré dans sa phase néoclassique et a considéré le travail du maître français comme une inspiration artistique directrice majeure. Par la suite, Picasso réalisera plusieurs peintures et dessins faisant directement référence à Renoir.
Essoyes, le village des Renoir
C’est cet été que le public peut marcher sur les traces de Renoir dans les rues du village d’Essoyes dans l’Aube, en Champagne. Le petit village d’Essoyes, entouré de vignes, deviendra du temps de Pierre-Auguste Renoir, le rendez-vous des vacances. Famille et amis se retrouvent le temps de partager les bonheurs simples de la vie : pique-niques, jeux en plein-air, parties de pêche, baignades et guinguettes.
La maison Renoir, inaugurée le 3 juin dernier, fut le lieu où Pierre-Auguste Renoir venait passer ses étés afin de se ressourcer, loin de Paris. Cette maison a appartenu à ses descendants jusqu’en 2013, puis a bénéficié d’une rénovation interne et externe sous l’impulsion conjointe de la municipalité et de la Fondation du patrimoine.
Lorsqu’il pénètre les lieux de la propriété, le visiteur a l’impression de faire un voyage temporel, l’émotion est bien là, vive, dès qu’on passe la porte d’entrée… qui allons-nous rencontrer ? Sans aucun doute une belle rencontre dans la machine à remonter le temps d’un lieu qui, jadis, fut habité par toute la famille Renoir, famille que le visiteur est amené à découvrir à travers un parcours initiatique dans l’intimité de l’artiste. On doit la reconstitution historique à Thierry François et à Catherine Jarrier, tous deux décorateurs de cinéma qui ont chiné des objets d’époque, le sens du détail prend une place importante ici, jusqu’aux papiers peints qui ont été confectionnés avec des procédés de fabrication anciens, courants à l’époque des Renoir.
L’atelier, conçu en 1906, permettait à l’artiste de prendre congé de sa famille le temps de réaliser toiles et sculptures en journée. L’étage est conçu pour canaliser la lumière naturelle, celle-ci pénètre l’espace par les fenêtres, mais aussi par une large verrière en hauteur permettant de baigner ses modèles en la clarté du jour dans le but d’en faire ressortir toute la beauté.
Un vaste programme est déployé au sein du village : espace dédié à l’artiste, visites guidées, excursions gourmandes, découverte des maisons de champagne, guinguettes et circuits touristiques sont proposés pour faire revivre les riches années Renoir.
(« Un autre Renoir » au Musée d’Art moderne de la ville de Troyes, du 17 juin au 17 septembre 2017, http://www.musees-troyes.com/ ; Ouverture au public de la maison familiale des Renoir à Essoyes (Aube), jusqu’au 11 novembre 2017, programme et activités sur http://renoir-essoyes.fr/fr/accueil/ ; tous visuels photos copyright Stéphane Chemin)