Depuis 2001, le musée La Piscine de Roubaix réunit deux bâtiments historiques : une piscine Art déco des années 1920 et une usine textile datant du 19e siècle. L’aménagement des lieux, confié à l’architecte Jean-Paul Philibon, a su adapter et transformer l’espace en hall d’exposition avec, comme point d’orgue, la grande salle du bassin de la piscine. Un choix de cadre où le plan d’eau tient le premier rôle. L’eau, symbole de vie, est là pour valoriser le lieu, refléter les lumières du vitrail découpé en rayons tel un soleil aux couleurs chaudes, les sculptures de marbres posées au niveau de la surface de l’eau semblent flotter, les vagues bleu et or des mosaïques du bassin donnent le rythme, ici tout se répond avec grâce… Les anciennes cabines pour se changer ont été transformées en ailes d’exposition, l’inattendu opère à chaque pas du visiteur. Le musée bénéficie d’inestimables réserves de sculptures des musées nationaux, notamment en provenance de la donation du musée d’Orsay.
Victime de son succès, le musée était devenu trop exigu pour recevoir l’afflux ininterrompu de quelque 200 000 visiteurs par an. L’établissement s’est ainsi vu agrandi de 2300 m² (constructions et réhabilitations), comptabilisant alors à une surface totale de 8000 m². Il accueille désormais de nouveaux espaces dédiés à l’histoire de Roubaix, à la sculpture, au Groupe de Roubaix, aux expositions temporaires et aux jeunes publics. A travers les arts, La Piscine fait renaître un riche passé industriel de la région du Nord-Pas-de-Calais.
D’abondantes ressources en charbon et une main d’œuvre au rabais auront permis de construire une industrie lourde et florissante depuis le 18e siècle jusqu’au début du 20e siècle autour des secteurs de la métallurgie et du textile. Un bélier empaillé accueille le visiteur dans la salle dédiée à Roubaix. Ce totem rappelle que la ville fut la capitale de la laine peignée au 19e siècle. Une peinture panoramique monumentale (6 mètres de haut pour 13 mètres de large) de la Grand Place représente l’inauguration de l’hôtel de ville en 1911, exécutée par l’atelier Jambon-Bailly, témoigne de l’âge d’or de la cité.
Sous une verrière, une profonde galerie est dédiée à la sculpture des 19e et 20e siècles. Les œuvres sont baignées du contour de la lumière naturelle, on y retrouve les grands noms de la sculpture moderne : Maillol, Rodin, Lipchitz, Claudel, Laurens, Giacometti, Picasso… dans le prolongement, se tient un patio minéral accueillant le « Centaure mourant » de Bourdelle. Un espace est également dédié au sculpteur Henri Bouchard où est reconstitué son atelier parisien de 1924, une accumulation de muses, de chevaux, de paysans, d’ouvriers, d’anges et de dieux s’y côtoient pour le plus grand plaisir du visiteur qui se retrouve immergé au sein d’un océan foisonnant permettant de découvrir le processus de création pour la fabrication de monuments publics.
« Les tableaux fantômes de Bailleul »
Côté expositions temporaires, La Piscine remet au premier plan la collection de l’ancien musée de Bailleul qui fut détruit lors d’un bombardement durant la Première guerre mondiale. Luc Hosspied, galeriste roubaisien, est l’initiateur de l’exposition « Les tableaux fantômes de Bailleul », après avoir découvert les descriptions détaillées des tableaux disparus établies en 1881 par le conservateur de l’époque. Consécutivement, il demanda à 90 artistes contemporains de s’inspirer des descriptions pour créer de nouvelles œuvres. Ce faisant, trois autres expositions temporaires d’envergure jettent le curieux à l’eau, à découvrir jusqu’au 20 janvier 2019 !
« Picasso : L’homme au mouton »
Cette exposition incarne la réponse de l’artiste espagnol après la visite, en 1942, de l’exposition parisienne dédiée à l’artiste officiel du parti nazi Arno Breker : l’art entre ici en résistance face à l’idéologie totalitaire. Dans son œuvre, l’artiste exprime un sentiment humain, le thème rejoint par son humanisme le contexte de la guerre et, par son attitude dramatique, le mouton fait figure de victime. En collaboration avec le Musée national Picasso-Paris et d’autres institutions prestigieuses, cette exposition réunit le politique et l’artistique.
« Alberto Giacometti : Portrait d’un héros, hommage à Rol-Tanguy »
Cette exposition retrace les recherches sur le portrait d’un héros communiste de la Résistance, Henri Rol-Tanguy, durant la Seconde guerre mondiale. Elle rassemble sculptures en plâtre et en bronze ainsi que dessins et photographies de l’artiste helvète. Cet ensemble interroge sur l’engagement politique et les convictions de l’artiste, de sa vision commune et singulière de l’art à ses liens avec le mouvement surréaliste.
« Hervé di Rosa : L’œuvre au monde »
Loin des préjugés souvent accolés au Nord de la France où tout ne serait que grisaille, ici, le visiteur va boire une tasse de vitalité, aspergé des couleurs du monde entier par le recours à une scénographie nuancée qui sort de l’ordinaire pour présenter les œuvres d’un authentique artiste, sincère et singulier, qui parcourt la planète à la manière d’un globe-trotter. Embarquement immédiat pour 19 escales artistiques et créatives : de Sofia à Kumasi, de Porto-Novo à Patrimonio, de La Havane à Séville, de Tel Aviv à Miami, de Durban à Mexico, de Binh-Duong à Tunis, de Paris Nord à Little Haïti, de Foumban à La Réunion, d’Addis-Abeba à Lisbonne. Lorsque di Rosa décide de voyager, c’est toujours dans un but précis ! Il fait un tour du monde pour étudier comment naissent les images ailleurs et apprendre les techniques de production d’imageries populaires ou de sculptures traditionnelles. Cette expérience personnelle a commencé en 1990 et lui a permis de renouveler sa créativité en associant son art à un artisanat local sans les confronter. Quand beaucoup élèvent des murs pour s’en protéger, la curiosité de l’artiste l’a mené à construire des ponts humains pour aller vers l’autre, l’étranger, cet étrange inconnu. Cette exposition est elle aussi à découvrir d’urgence !
(La Piscine de Roubaix, http://www.roubaix-lapiscine.com/ ; tous visuels photos © Stéphane Chemin)