Les œuvres d’Anish Kapoor sont connues dans le monde entier. Principalement sculptural, bigger than life, le travail de l’artiste est le fruit d’un croisement entre son langage d’Occidental et ses origines indiennes. Ses œuvres se veulent simples, mais derrière cette simplicité de courbes et de couleurs vives qui interagissent avec les espaces qu’elles occupent, Anish Kapoor entame une nouvelle fois un dialogue entre l’architecture et l’Histoire.

 

Voir l’Art en grand

En 2011, Anish Kapoor présente « Leviathan » au Grand Palais pour l’événement Monumenta : le visiteur pénétrait alors au sein d’une structure en PVC haute de 35 mètres et déambulait dans le ventre de ce monstre du chaos primitif. Invité en 2014 à Versailles, Kapoor repousse en 2015 afin de faire murir ses réflexions créatives face aux multiples possibilités qu’offrent les lieux. Quoi de plus propice pour un artiste internationalement renommé pour le gigantisme de ses œuvres, que de présenter ses sculptures monumentales au cœur même de l’édifice royal le plus célèbre (et le plus visité) au monde ? Les jardins du château de Versailles, par leur perspective, permettent au visiteur une immersion unique au cœur de la pensée de l’artiste, qui a développé en grand et peut-être plus qu’un autre avant lui, l’idée d’un rapport à l’histoire et à l’énorme chantier d’André Le Nôtre, paysagiste et architecte « révolutionnaire » du jardin à la française.

 

Jeu de Paume

Il est des lieux habités par l’Histoire de France. A qui visite Versailles ces temps-ci, il faut tout particulièrement faire un détour par l’ancienne salle du Jeu de Paume de Versailles où les députés prêtèrent serment de fonder une démocratie en 1789 à deux pas du siège de la monarchie. Face au tableau du « Serment du Jeu de paume » (1883) de Luc-Olivier Merson inspiré de l’original inachevé de David, se tient l’installation « Shooting into the corner » : un canon qui a tiré en guise de projectiles des blocs de cire rouge sur un mur blanc (couleurs de la royauté), le rouge sang s’accumule telle de la chair à canon. Anish Kapoor nous dit ici que le passage de la monarchie à la démocratie ne s’est pas fait dans la douceur, la révolution fit verser le sang et basculer le pays dans le chaos, avant de trouver un ordre nouveau.

"Shooting into the Corner" d'Anish Kapoor

« Shooting into the Corner » d’Anish Kapoor

 

Déconstruire la perspective

Dans l’axe du grand bassin se tient l’installation « Dirty corner » : un long tube d’acier rouillé mesurant 60 mètres de longueur et 9 mètres de hauteur à l’une des extrémités est disposé parmi 500 tonnes de blocs de pierre et 1000 tonnes de terre, témoignage artistique d’un séisme sans précédent dans le petit monde versaillais. Le rouge sang recouvre certains blocs de pierre, ainsi que les trous béants creusés dans la terre comme des entrailles humaines. L’œuvre vient déconstruire et casser la perspective parfaite dessinée par André Le Nôtre au 17e siècle. Kapoor fait naître de ce chaos un monde de la perfection, telle une corne d’abondance symbolisant la fertilité mais pourrait aussi faire penser au tableau de Courbet, « L’origine du monde ». Que se cache dans l’obscurité, dans cette grotte formée par la structure géante aux connotations sexuelles décrite par l’artiste ? L’œuvre semble à moitié inachevée, à moitié détruite, donnant l’impression de jaillir de sous terre comme si celle-ci était en devenir à l’opposé du jardin, ordonné et structuré, prisonnier du temps. Kapoor compose avec l’histoire et la géométrie afin de créer un dialogue plastique. Il ajoute la pièce manquante au puzzle géant qui était sous-terraine, empreinte d’obscurité, il est ainsi en rupture totale avec la perfection du jardin à la française où la nature est dominée, contrôlée. L’artiste fait le parallèle avec le pouvoir qui s’impose sur les individus et dit avoir voulu : « ôter les surfaces pour percer leur mystère et donner à voir ce que cache leur perfection ».

"Dirty Corner" d'Anish Kapoor

« Dirty Corner » d’Anish Kapoor

Dans la déambulation qui mène de la terrasse Nord vers le Grand Canal, le visiteur est attiré sur la pelouse du char d’Apollon où se situe « Discension », une œuvre plus sombre encore que les précédentes : un bassin circulaire contient une eau spécialement teinte en noir et « aspirée » par un siphon géant dans un bruit sourd. Le maelström serait le fait d’un moteur d’avion ! Ici, l’œil pourrait être absorbé au sein du jardin de Versailles, voire jusqu’au centre de la terre, happé dans une relation à l’infini. Cette installation est le négatif des jets propulsés du bassin d’Apollon, l’œil sombre des lieux est celui d’un autre type de monstre que le Leviathan. Pour le visiteur, c’est une invitation à s’arrêter devant chaque œuvre troublant le parcours classique des jardins, l’art de Kapoor ouvre une dimension spirituelle dans l’espace.

"Descension" d'Anish Kapoor

« Descension » d’Anish Kapoor

Volontairement posé à l’écart, on accède à « Sectional Body preparing for Monadic Singularity » par le dédale des bosquets. Passé ce sas de verdure, surprenant comme un dinosaure au milieu de l’herbe, c’est un monumental cube rouge et noir qui niche dans le bosquet de l’Etoile et invite les visiteurs dans sa courbe lustrée, habillée de PVC rouge. La science d’Anish Kapoor fait merveille et c’est la sensation d’une station spatiale qui gagne sur l’environnement, brouillant les frontières entre passé et avenir.

"Sectional Body preparing for Monadic Singularity" d'Anish Kapoor

« Sectional Body preparing for Monadic Singularity » d’Anish Kapoor

 

Jeu de miroirs

A l’opposé du tourbillon sombre « Discension » semblant absorber l’univers alentour, deux œuvres optiques reflètent l’espace : les miroirs géants situés sur la terrasse du château et près des parterres d’eau. Kapoor travaille sur l’idée du miroir et de la réflexion environnante depuis des années. Avec « C-curve », la lettre C en miroir s’étend horizontalement, le miroir convexe reflète la façade du château dont la galerie des glaces, tandis que son verso reflète dans sa partie concave les jardins de Le Nôtre à l’envers et replace le ciel où se situe le soleil au niveau de la terre ! Les pieds en l’air, la tête en bas, le visiteur voit alors l’ordre et le désordre réunis à travers son propre reflet dans une perspective inversée, entre lumière et forme en distorsion.

"Sky Miror" d'Anish Kapoor

« Sky Mirror » d’Anish Kapoor

La seconde œuvre, « Sky mirror », est un grand cercle parabolique spatial qui n’est pas sans rappeler les radiotélescopes géants du programme de recherche d’intelligence extraterrestre en Californie, popularisé par le film « Contact » en 1997, le SETI. Carl Sagan aurait-il apprécié l’œuvre d’Anish Kapoor ? On peut le souhaiter, car « Sky mirror » réfléchit le ciel, les nuages et les jardins par l’entremise de la source de lumière qui permet à toute forme de vie d’exister et de croître : le roi soleil. Le miroir fait écho à la symétrie tracée par les jardins alignés d’est en ouest et du nord au sud. Le jardin est un reflet sans fin de lui-même, la création de ce que Kapoor appelle : « un lieu d’illusions ».

"C-curve" d'Anish Kapoor

« C-curve » d’Anish Kapoor

L’art n’est-il pas lui-même une illusion ? Un reflet distordu, qui amplifierait nos peurs ou nos souhaits d’êtres différents ?
Après un début d’exposition controversé et le « Dirty corner » vandalisé par la bêtise et la lâcheté de quelques uns qu’un artiste libre effraie, la présence d’Anish Kapoor à Versailles nous questionne à plusieurs inconnues.

"Dirty Corner" d'Anish Kapoor vendalisé

« Dirty Corner » d’Anish Kapoor vandalisé

Parce qu’un paysage ou une chose trop regardée n’est plus vu, l’art contemporain permet de redonner de la stupeur et de l’émotion : le but de l’art. Le château de Versailles doit continuer sur sa lancée d’une telle programmation dynamique et ambitieuse, dans l’esprit de Louis XIV qui s’entourait des plus grands artistes de son temps. Cette exposition en est la plus belle continuité. Le roi est mort, vive l’art !

(« Anish Kapoor Versailles », Château de Versailles, jusqu’au 1er novembre 2015, http://www.chateauversailles.fr/)

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