Soubis : le portail de référence dédié aux créateurs de Haute-Façon et à l’artisanat d’art. Trois ans d’existence plus tard, Soubis et sa fondatrice s’annoncent pleins de promesses. Défricheur de tendances, Le Mot et la Chose est parti à la rencontre de celle par qui le buzz arrive…

La voie du Père

Baptisée en référence au Père Soubise (figure tutélaire des compagnons charpentiers « Bondrilles »), la société et plateforme d’e-commerce Soubis part d’une noble entreprise : diffuser et promouvoir auprès du plus grand nombre la ronde des savoir-faire nationaux et internationaux. A l’heure du « luxe démocratique » et du merchandising de masse, restaient en suspens plusieurs inconnues et variables désordonnées. En effet, comment rentabiliser l’effort de la main et de l’œil ? Réunir ce vendeur de l’ombre qu’est l’artisan, et l’acheteur esthète sous une même bannière ? Des défis majeurs à relever : « connaissant la culture « start-up » par le passé, dit Audrey Harris, je savais l’investissement que Soubis allait requérir, mais je dois avouer qu’il faut vraiment être « taillé » pour ça, sans quoi on abandonne la première année ! »

Un choix pleinement assumé, d’autant que Miss Harris déborde de volonté pour transformer sa société en leader du secteur : « Soubis, poursuit-elle, se définit comme une sorte d’agent, à la fois maison des créateurs de Haute-Façon, promoteur de leur production, et rapprocheur de marchés. »

Audrey Harris - Soubis

Soubis – Copyright Stéphane Chemin/Le Mot & la Chose

Passionnée par la question, Audrey Harris pourrait parler longuement de la valorisation des savoir-faire, levier essentiel et cheval de bataille de Soubis. Elle explique : « aujourd’hui, les métiers d’art bénéficient d’une belle communication et d’une sensibilisation accrue du public. Les politiques encouragent la valorisation du patrimoine parce que « ça fait bien », c’est une position populaire. En France, on aime bien dire qu’il y a des artisans d’exception et que ce savoir-faire traditionnel, inscrit dans la filiation du compagnonnage, se perpétue. En revanche, les initiatives gouvernementales ne suivent pas forcément. Et la France n’est pas le seul pays qui abrite un artisanat créatif et moderne. » Dont acte.

A l’instar de son saint patron, la PDG de Soubis a la pensée géométrique, elle croit aux vertus fondamentales de la transmission tangible de forces latentes. Une profession de foi !

Audrey Harris - Soubis

Soubis – Copyright Stéphane Chemin/Le Mot & la Chose

Savoir-faire ou « faire savoir » ?

« Ce que j’ai voulu avec Soubis, c’est vraiment faire passer le message d’un artisanat d’art vivant, pratique et fonctionnel, pas seulement vendre des pièces belles à regarder ou qui auraient leur place dans un musée. Je souhaite mettre mes compétences au service d’un dialogue entre l’acheteur et l’artisan » lâche Audrey Harris. Une démarche qui passe d’abord par « aller chercher le marché ». Où est-il, ce fameux marché du beau et de l’exceptionnel que d’austères jugements qualifient d’ « élitiste » ? Contre toute attente, le discours d’Audrey Harris s’en éloigne : « tout le monde aime le beau ! Tout le monde, selon ses moyens, rêve d’offrir ou de s’offrir une pièce qui corresponde parfaitement à la personnalité de son commanditaire, pour laquelle elle a été pensée, réalisée et qui sera regardée avec d’autant plus de satisfaction qu’elle est unique. »

De plus, Audrey Harris propose à sa clientèle d’accéder à des savoir-faire d’exception jusque là réservés à une poignée de clients à travers le monde. Un service d’accompagnement pas à pas exclusif. La majorité des créateurs réunis au sein du giron Soubis travaillant aussi (surtout ?) pour les grandes maisons de couture et les géants du luxe. « A travers Soubis, l’acheteur peut vraiment se faire plaisir avec la crème de la crème des techniques artisanales, les plus belles matières, le personnalisation ou le sur-mesure, sans passer par la marque qui est pour plus de 50% dans le prix sur l’étiquette ! »

Audrey Harris - Soubis

Soubis – Copyright Stéphane Chemin/Le Mot & la Chose

« Les artisans ne demandent qu’à entrer en contact direct avec une clientèle curieuse et sensibilisée. » Et Audrey d’ajouter en souriant : « un artisan n’est en général pas un bon vendeur, et même si j’ai un immense respect pour la personnalité et le travail de chacun, je me suis aperçu qu’il y avait une vraie lacune en ce qui concerne la diffusion commerciale de leur métier. » Ce fameux « faire savoir » sans lequel il est impossible de vendre, Audrey Harris a d’ailleurs fort à faire pour le peaufiner sans cesse auprès d’un public, et de médias parfois novices en la matière.

« On ne vend pas une table ou un bustier qui a nécessité des centaines d’heures de travail et le recours à des matériaux exclusifs, rares ou traités d’une façon qui sort de l’ordinaire, comme un produit manufacturé sans âme. De même, renchérit-elle, il est clair qu’on doit sensibiliser les gens au concept de petite série. Le discours est différent pour une pièce produite en série sortie d’usine, et une pièce créée à la demande, entièrement à la main. » A ce titre, le « catalogue » Soubis offre un large éventail de prix, du parapluie « sixties » en soie à tartan écossais de la Maison Heurtault (disponible en ligne) à 350 €, à la table Echo à 15 000 €, de chez IotaElement, combinant mobilier d’art et technologie numérique de pointe !

Les compagnons du futur

« Partageant la même « passion » geek que pas mal d’amis et collègues chez DailyMotion, avoue Audrey Harris, tout est parti de 4 ou 5 d’entre eux qui avaient très envie de monter leur boîte pour se consacrer à la belle Façon, mais ne trouvaient aucune plateforme qui communiquerait et vendrait à leur place. J’ai donc « sondé » l’entourage et le marché, pour au final constater à mon tour un vide effectif du secteur, puisqu’aucun site ne propose d’offres sur-mesure à l’acheteur web, encore moins de vitrine de Haute-Façon. On vous y propose tout au plus un produit à valeur ajoutée, mais auquel le client ne peut rien changer. »  Premier point.

« Le second point de la démarche Soubis, continue Audrey, c’est, à mon sens, son caractère collectif « visionnaire ». Beaucoup de nos artisans sortent de l’Ecole Boulle, participent à des concours internationaux, ont reçu le titre de Maître d’Art ou le briguent dans les années à venir. Ils sont jeunes, imaginatifs, incroyablement doués de leur main. Chose rare dans un milieu conservateur, mais qui, je pense, se généralisera de plus en plus, ils n’envisagent pas leur vocation sans innovations ! »

Audrey Harris - Soubis

Soubis – Copyright Stéphane Chemin/Le Mot & la Chose

Le levain de la Tradition passerait-il par le creuset des nouvelles technologies ? A écouter Audrey Harris parler de sa « pépinière » de talents, tous ces savoir-faire issus de notre passé ne sont pas morts. L’industrie, le consumérisme de masse, et les grosses chaînes à bas prix d’après-guerre les ont transformés en canards boiteux. Signe des temps, ils reviennent tous progressivement dans la lumière.

Techniques antiques et tours de main séculaires s’inscrivent dans la continuité, annonçant les progrès à venir par des innovations permanentes et une approche avant-gardiste. De même, ces « compagnons du futur » combinent la recherche, des matériaux modernes et une fraîche actualité, décomplexant l’utilisation des « aïeuls » plumes, galuchat ou bois.

Soubis… téléphone, Maison !

Soubis grandit. Avec la poussée d’un nouveau marché, se fait sentir le besoin d’avoir un espace réel à soi. Un lieu où clients et créateurs se sentent bien. Un toit pour présenter un échantillon d’objets hétéroclites, représentatifs à la fois de l’univers Soubis et éphémères, les pièces tournant au gré des compositions de la maîtresse des lieux. C’est chose faite avec l’ouverture d’un espace virginal dans le Triangle d’or.

A deux pas des boutiques de luxe de la rue Saint Honoré, au n°4 de la rue du Marché Saint Honoré, se niche un cocon repeint de blanc, au fond d’une charmante courette pavée. « J’ai vu beaucoup d’adresses avant de me décider, dont celle-ci qui était dans un état à peine nommable, se rappelle Audrey Harris. Au final, un bon coup de peinture et d’huile de coude plus tard, je suis vraiment ravie d’être passée par-delà les apparences. Ce lieu, dans un quartier si vivant et central, correspond pile aux notions d’excellence et de raffinement que Soubis cherche à faire passer. »

Audrey Harris - Soubis

Soubis – Copyright Stéphane Chemin/Le Mot & la Chose

Serait-ce la fin d’une certaine uniformisation du vêtement, donc de l’homme qui le porte ? Les prémisses d’une ère où la singularité sera revendiquée par chacun, après des générations d’acheteurs sacrifiées au cheap et au jetable ? Quid de l’évolution chez l’homo economicus ? Les sciences humaines nous l’apprennent : au fil des siècles, les besoins de l’homme ne changent pas. Ce qui change, c’est sa manière de les habiter.

« Une ombrelle sera toujours une ombrelle. Ce qui a changé, nous explique Audrey Harris, c’est l’usage que l’acheteur du 21e siècle en fait. On peut toujours s’en servir pour se protéger du soleil, mais ce n’est pas obligatoire. Les mutations culturelles et l’évolution des mœurs permettent ce décalage. Dans l’ensemble, prédit Audrey, j’ai l’impression que nous allons tous vers plus de marginalité, d’affirmation d’une personnalité authentique et individualiste. »

Audrey Harris - Soubis

Soubis – Copyright Stéphane Chemin/Le Mot & la Chose

 

Chez Soubis, c’est une soixantaine d’artisans-créateurs qui œuvrent au changement. Pièces collaboratives, pièces uniques ou sur-mesure participent de l’expérience, répondant ou anticipant les désirs uniques de la clientèle. « Les artisans d’exception sont des gens fous, sourit Audrey Harris, ils peuvent passer des nuits blanches sur tel problème de courbure du bois, sur telle incrustation. J’ai un créateur qui est fasciné par les montres, mais les siennes ne marchent pas ! Comme il me dit, nous pouvons consulter l’heure sur nos smartphones ou sur un ordinateur.

Audrey Harris - Soubis

Soubis – Copyright Stéphane Chemin/Le Mot & la Chose

Alors, à quoi bon l’avoir à son poignet ?! Il aime la montre pour ce qu’elle est : un superbe objet pouvant être porté ! » Elle ajoute : « Pour l’artisan, la trouvaille naît le plus souvent de la difficulté. Je pense par exemple à la créatrice de masques de sommeil, Au Pays des Songes. Il y a quelques années, ne pouvant dormir que dans la plus complète obscurité, elle s’est lancée à la recherche du parfait eye mask. Elle ne l’a pas trouvé, et a donc décidé de les fabriquer elle-même, en soie, en lin, brodés…Pour avoir testé ses masques, je peux vous dire qu’ils surpassent tout ce qui existe pour la nuit. Certains sont même équipés d’un zip sur la longueur pour y glisser des compresses délassantes, c’est le top ! »

Evoquant le Père Soubise, Soubis revendique les mêmes qualités d’éthique et de service à autrui que son légendaire parrain. Quant à Audrey Harris, si elle ne peut pas dire avec certitude où tout cela la mènera, une chose est sûre : elle est en bonne voie.

(Showroom Soubis, 4 rue du Marché Saint Honoré, 75001 Paris, expositions et sur rendez-vous, 01 73 73 37 03, http://www.soubis.com/ ; crédits photos ©Stéphane Chemin)