Le Mot & la Chose : Frédéric Martin, vous avez publié, entre autres, Ode à la ligne, 29 des autobus parisiens de Jacques Roubaud. Vous venez d’éditer Le conte de la dernière pensée d’Edgar Hilsenrath, où l’auteur, survivant de la Shoah, rend hommage aux victimes du génocide arménien de 1915.  Vous organisez en parallèle une exposition itinérante intitulée Les 400 coups d’Edgar Hilsenrath avec la participation de Jacques Roubaud. Pouvez-vous revenir sur ce choix éditorial, pourquoi avoir associé Jacques Roubaud dans cette aventure ?

Frédéric Martin : En fait, Le Tripode a décidé de proposer chaque année à vingt artistes de créer vingt illustrations à partir de leur lecture d’une œuvre littéraire et de les imprimer en sérigraphie. En 2014, c’était avec une œuvre de Roubaud, en 2015 une œuvre d’Hilsenrath. Le projet des 400 coups s’arrêtera avec un vingtième texte en 2033 et 400 estampes au final, d’où son nom. L’envie était de rendre immédiate, par l’image, la sensibilité d’un texte. Et plus encore de montrer qu’elle pouvait être multiple.

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MC : L’éditeur Jean-Jacques Pauvert fut le premier, en 1947, à oser publier intégralement Sade. Vous avez rendu hommage à l’éditeur dans une tribune du journal Libération en septembre 2014. Ses réflexions vous inspirent-elles encore en 2015 et que vous ont-elles apprises ?

FM : De toute évidence, oui, je m’y retrouve. Sauf peut-être la nécessité d’affirmer des principes et de nier l’existence de Dieu. Mais, en fait, l’ayant beaucoup côtoyé, je suis sûr que ses affirmations relèvent chez Jean-Jacques Pauvert davantage d’une ironie de circonstance (n’oublions pas qu’il écrit le manifeste de 1947 dans l’immédiat après-guerre, avec son flot de phrases absolues, de condamnations et de bonnes résolutions) que d’une conviction profonde, d’un besoin réel de repères. Jean-Jacques Pauvert n’avait pas besoin de repères ou de nier l’existence de Dieu. Il avait sa quille, qui était la littérature et qui lui permettait de voguer au large. C’est la chose la plus importante qu’il m’ait transmise : la littérature est une forme extrême de liberté, car la nécessité qu’elle porte en elle revient à faire de l’altérité et de l’ailleurs un mouvement naturel de l’esprit.

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MC : Le graphisme occupe une place primordiale dans vos choix éditoriaux. « Privilégier la sensibilité aux doctrines »  ne serait-ce pas votre définition de la poésie ?

FM : Il ne suffit pas d’être sensible pour être poète ! Je dirais que la poésie se définit surtout par un certain sentiment d’exaspération de la langue courante. Comprenne qui pourra. En dire plus serait la réduire.

 

MC : Vous avez donné une liste d’ouvrages de votre bibliothèque idéale au site littéraire Les Filles du loir. J’ai retenu la pensée suivante de l’ouvrage de Jack London, Le Vagabond des étoiles : « Bien souvent, au cours de mon existence, j’ai éprouvé une impression bizarre, comme si mon être se dédoublait : d’autres êtres vivaient ou avaient vécu en lui, en d’autres temps ou d’autres lieux. Ne proteste pas, toi, mon futur lecteur. Scrute plutôt toi-même ta conscience. Remonte en pensée jusqu’à cette époque où ta personne physique et morale n’était pas encore constituée, où, élément ductile, âme en flux comme la mer montante, tu sentais à peine, dans le bouillonnement tumultueux de ton être, ton identité se former. » Quels sens du regard, un imaginaire du sensible, vous interpellent chez un auteur dans l’univers de vos contradictions ?

FM : Diable, c’est une drôle de question ! Le Vagabond des étoiles est un livre extraordinaire, qui semblera mal foutu à beaucoup de lecteurs tant Jack London y a recyclé des bouts d’histoires qui trainaient dans ses tiroirs. Et pour autant c’est une quintessence de la littérature, un élan qui s’oublie, qui a digéré tout ce qui l’a précédé dans l’histoire des livres et qui suit son propre mouvement. Il y a dans ce roman un mélange de colère (le texte est un manifeste radical contre la prison et l’écrasement de l’homme) et d’humanisme qui me touche beaucoup, le tout avec un humour très apaisé. On retrouve cet équilibre si singulier chez des auteurs comme Panaït Istrati ou Goliarda Sapienza. Et, je l’espère, dans beaucoup d’œuvres que je publie. Je pense que la cohérence du catalogue tient dans cette alchimie. Tiens, tout à coup, je repense à L’Homme qui s’aime de Robert Alexis…

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MC : Etes-vous un franc-tireur ?

FM : Par la force des choses, oui. Une des conditions pour que la maison d’édition soit pérenne est sa légèreté, son indépendance. Elle dépend donc de notre capacité à travailler beaucoup. Mais, à bien y réfléchir, il ne s’agit pas vraiment d’être un franc-tireur. Le Tripode n’est pas seul dans son cas. Nous sommes nombreux à aimer les livres et à les protéger autant que possible. Corti, Minuit, Allia, Anacharsis, le Quartanier… ce n’est à chaque fois qu’une poignée de personnes. Disons que c’est plutôt des vies de moine, avec quelques moments de communion et de longues périodes de silence, d’efforts, de doutes.  Une vie belle, en somme !

(Editions Le Tripode, http://le-tripode.net/)

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