Le savoir de la peau, une emprunte de toi :
« Tu ne seras pas plus extérieur à ma vie que l’air que je respire. »

Ce livre pourrait être un constat de critiques constituant des critiques constantes d’un esprit critique. Ou, pour dire les choses simplement, comment se débarrasser de son corps, l’âme de l’autre, couper les mauvaises herbes, à défaut des pages d’un livre, que l’on jetterait au fumier pour recommencer le cycle des années, cycle des mutations, vers un âge de raison ? Naufrage nu, d’une ancre raclant le fond des abysses d’un petit lac réalisé de mains d’hommes, libérant, telle une pieuvre, l’encre noire des mots crus de la douleur.

La liberté, ne serait-ce toujours et encore que de vivre dans le renoncement et les larmes,

dans l’illusion du bonheur ?

Est-ce là, une récompense,

le chemin,

le prix de l’identité ?

 

Philippe Comar est professeur de morphologie aux Beaux-arts de Paris et de dessin depuis 1979.

Peau de femme est son deuxième roman, qui vient après L’homme nu ; Lucian Freud, peintre de la nudité ; Les Images du corps ; Mémoires de mon crâne, René Descartes ; La Perspective en jeu : les dessous de l’image, tous édités aux éditions Gallimard.

Il a exposé au Centre Pompidou, au musée Picasso à Barcelone. Ses œuvres figurent dans les collections du Mnam – Centre Pompidou et du Fonds national d’art contemporain. Il est le concepteur de l’exposition Sténopé, consacrée à la perspective et à la simulation de l’espace, présentée depuis 1987 à la Cité des sciences et de l’industrie. De plus, il a été Commissaire de l’exposition Figures du corps, une leçon d’anatomie à l’École des Beaux-arts, présentée à l’automne 2008. Et il collabore à la conception et aux catalogues de grandes expositions thématiques traitant du corps et de sa représentation…

Mais, pour Peau de femme, le chemin que prend l’auteur est celui des sentiers détournés, celui de se mettre littéralement dans la peau de son personnage, celui d’une femme…

COMME ; si pour cette expérience des corps perçus était vécue…

COMME ; par le livre ouvert d’une lente déconstruction des mondes intérieurs immenses…

COMME ; rempli de souvenirs, de rêveries et distant au monde extérieur…

COMME ; limité à celui qui glisse sur la peau, sans la pénétrer…

COMME ; la blancheur du corps à travers l’eau, dessinant une forme sinueuse, semblable au corps d’une sirène…

COMME ; des multiples enveloppes des corps transparents, de transit, des souvenirs, d’abstinence…

COMME ; l’aspect extérieur, zones érogènes, montre toutes ses saveurs, toute sa tendre moiteur…

COMME ; une jouissance à cris par ses ambiguïtés aux touchés…

COMME ; « être à l’aise entre soi vaut mieux que jouir en soi… »

COMME ; au corps bleu des petits lacs sur une calotte glacière…

COMME ; des fluides impatients obligeant à aller toujours plus loin dans cet affolement du goût et du dégoût…

COMME ; ces cicatrices qui renouvèlent une peau devenue étrangère, « inhabitable »…

COMME ; la vie intime d’une jeune femme d’aujourd’hui.

 

« Non, je voulais être aimée par lui comme par un amant et non comme un mari, être aimée seulement pour le plaisir. N’être à ses yeux qu’éminence et enclaves ne me gênait pas. Tout au contraire. De cela, il pouvait disposer comme il voulait, mais au-delà, non. Il y a chez moi des profondeurs bien plus intimes que le sexe. »

"Peau de femme" de Philippe Comar, Editions Gallimard

« Peau de femme » de Philippe Comar, Editions Gallimard

 

À vingt-neuf ans, une femme dissèque minutieusement son corps, ses vies sentimentales croisées, analysant sans détour et détachée, ses désirs, ses pulsions, ses infidélités, ses obsessions, ses sensations, ses fantasmes, sa sexualité dévorante et imprudente. Parfois, il arrive qu’une femme tombe éperdument amoureuse d’un homme, alors seulement elle ne voit plus, traînant de chambre en chambre, refusant les rayons du soleil aveugle, obéissant à un corps dépendant, à l’opacité des écumes, à une invitation au sublime, à vivre ses pensées selon leurs vérités désirées, les plus intimes. En passant comme une enfant meurtrie dans deux mondes incompatibles : « Je passais de l’un à l’autre comme on change de peau, si on pouvait changer de peau. »

Mais que peut-on faire quand le souvenir des mains, s’aventurant sur la peau de l’autre, de ses langues passant où les doigts étaient passés, lapant les fluides de caresses, des étreintes à cheval sur une borne, enfermés dans une forteresse de muscle faisant des corps unis, un vide désuni, entre cette tôle froissée et le monde froid des conventions ?

Que faire quand tout cela n’est plus que d’indestructibles souvenirs ?

Comment peut-on se libérer de ce que l’on ne possède plus ?

Que seule « la perte devient inoubliable, elle met sur toute chose la marque du vide. » Que faire du corps ensuite : « Vas-tu l’abandonner par terre, roulé en boule dans son peignoir, ou le laisser en plan sur la table, enveloppé dans un morceau de nappe ? Ou bien traîner jusqu’à la chambre, ce corps, victime infusée de soupe primitive, ton rêve d’infini placé au-dedans et mis à l’étroit ? Aurai-je droit à une attention, un regard un mot, un baiser, une caresse, comme on flatte la croupe d’une jument qui a bien franchi l’obstacle ?

Qu’en dis-tu, hein ? »

 

Ce corps qui parle de lui, ne se comprend qu’à travers son rapport à l’autre, celui avec qui elle vit, avec quoi elle est remplie…

« Le serpent qui ne peut changer de peau, meurt. Il en va de même des esprits que l’on empêche de changer d’opinion : ils cessent d’être esprit. » – Friedrich Nietzsche.

 

Ce corps qui parle de Lui ne se comprend qu’à travers son rapport avec soi-même, celui avec qui elle cohabite, avec quoi (de faire mien ce reste) :

« Tu t’es logé dans mon existence comme ton sexe s’est logé dans mon sexe, et mon sexe fait partie intégrante de mon ventre, il ne se distingue pas du reste de mon corps, je ne peux ni le voir ni l’empoigner. Et cela nous différencie, car ton sexe, lui est à l’extérieur à toi, excroissance que tu peux regarder, tenir, serrer, manier tel un outil… Je ne serai jamais que le prolongement de cet appendice, son voluptueux fourreau… Je devine au sourire de contentement qui suit chacune de nos étreintes, quand ton corps se détache du mien, que la véritable satisfaction que tu en retires est celle, précisément, de pouvoir te retirer, de pouvoir te passer de moi… d’être délivré quelques heures de l’entêtante nécessité de faire dépendre ton bien-être d’une femme… »

Ce corps nourri qui parle de toi, lecteur, ne se comprend qu’à travers le coït, celui avec qui enroulée dans les draps, avec quoi elle est pénétrée de ton odeur :

« Pour toi l’étreinte n’est pas un but, elle n’est que le moyen d’accomplir ta division et de redevenir un entier sans reste. »

Pour Philippe Comar, l’écriture est une altérité, une étoffe légère que le corps porte quand le doute fait place à la certitude de l’abandon. Ici, le corps n’est pas un lieu, mais des mots en dedans, un livre qui parle d’une pensée ouverte à l’infini des corps. Ouverte sur le dehors des désirs, ouvrant le regard des égards, au Mépris en suspension, à la lumière des voiles de la renaissance, pluriel des sens attachés !

« La vie est un art.

Tu comprends ?

Où es-tu ?

Tu as disparu !

Je parle toute seule.

Comme d’habitude, je parle dans le vide. »

(« Peau de femme » de Philippe Comar, éditions Gallimard, Coll. Blanche, sortie janvier 2015, 240 pages, 17,90€)

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