Ploutos, dieu du fric, se fait détourner de ses devoirs d’obéissance aveugle (il est aveugle !) envers Zeus et entame une manif’ anti Zeus digne des luttes contre les p’tits chefs des maos de naguère ! Carion et La Toussaille, esclave et maître (mieux vaut les placer dans cet ordre s’agissant de comédie) rencontrent un pauvre hère aveugle et sale. Or ce SDF (faisons comme Michel Host – l’anachronisme structurel) n’est autre que Ploutos, Dieu de l’argent – enfin du fric. Les deux bonshommes entreprennent alors de convaincre le dieu de s’affranchir de son sort affreux : il est condamné par sa cécité – infligée par Zeus – à n’accorder ses largesses financières qu’aux salauds (qu’il ne peut repérer étant aveugle !).

Voilà donc notre Ploutos installé chez La Toussaille. Grâce à Asclépios (dieu de la médecine) il retrouve la vue et s’engage à ne donner désormais le fric qu’aux gens de bonne volonté, négligés par le sort. Ce qu’il fait. Imaginez la révolution (au sens propre – inversion à 180°) Tout le peuple grec se retrouve en abondance de biens !

'Ploutos, dieu du fric Aristophane" de Michel Host - Editions Mille et une nuits

‘Ploutos, dieu du fric » Aristophane, trad. Michel Host – Editions Mille et une nuits

Aristophane tient là le moteur de sa comédie : si le peuple est riche sans effort, s’ensuit une ribambelle de problèmes à n’en point finir. Qui travaille ? Qui prie les dieux ? Qui fait le bien ? Qui se plaint à qui ?

La pièce d’Aristophane (489-88 AJC) est un modèle du genre bien sûr. Tous les personnages qu’on y rencontre, ainsi que dans toutes ses comédies, sont les prototypes qui vont traverser les siècles et que nous retrouverons triomphants dans toute les comédies occidentales jusqu’à Molière : bourgeois, valets, paysans, gens du peuple, escrocs, naïfs, etc.

Mais le trésor particulier de ce petit livre est la « téléportation » qu’opère Michel Host du texte d’Aristophane. Tout en lui étant d’un scrupuleux respect dans sa traduction, Host décale – comment faire autrement ? – l’action dans le temps et par le procédé de l’anachronisme en fait une pièce d’une absolue modernité. Non. Pas modernité,actualité ! Oui, comment faire autrement ? Michel Host (in Postface) : « La traduction elle-même, à tant de siècles de distance, devient anachronisme, qu’on le veuille ou non».

Quelques perles (mais tout le livret en est serti) : « La Toussaille : Aujourd’hui, il n’y a plus de médecins dans cette ville. Honoraires réduits, médecins tous partis ! »

« La Galère : Ah je vous y prends, vous deux, à grogner encore, à ourdir vos forfaits, espèces de porcs ! Fricoteurs ! Comploteurs ! Conjurés ! Syndicalistes ! Vous êtes bons pour le sacrifice. »

« Carion : … Et encore pardonnez-moi, ce n’est plus avec du petit gravier que nous nous torchons le cul, mais avec des têtes d’ail ! Raffiné, non ? Nous voilà nababs ! Princes de Monaco ! Ducs de l’Oréal ! … »

(« Ploutos, dieu du fric » d’Aristophane, éditions Mille et une nuits, traduit du grec ancien, notes et postface par Michel Host, 142 pages, 4€)