Lorsqu’un outil de débrouille comme la colocation, longtemps vécue comme solution temporaire – si ce n’est d’urgence – et souvent connotée péjorativement d’ailleurs, change brusquement de nom, on peut être certain qu’on a affaire à un véritable phénomène de société. Adios, colocation ! Bonjour à l’ « habitat partagé ». L’argent, vraie fausse raison pour recourir à partager un appartement ou une maison avec un (ou des) parfait(s) inconnu(s), est un critère facile à calculer.

Si d’aventure la pseudo gratuité d’un retour chez vos parents vous tente, ce qui suit est pour vous : Licenciement, divorce, ou autre coup du sort et c’est retour (non pas vers le futur) mais dans le passé de sa chambre d’ado ! Plus ou moins nostalgique de cette époque, vous vous installez dans un temporaire qui, parfois, dure. Au secours ! Selon l’Insee, c’est plus de 410 000 adultes qui sont actuellement revenus vivre chez leurs parents. Edifiant…

Tous les cas de figure existent. L’âge, la situation (enfant ou pas), le sexe, avoir ses deux parents ou non, être enfant unique ou pas, la taille de l’appartement partagé, etc. colorent différemment un quotidien déjà compliqué par des caractères qui ont changé et des personnalités mûries.

Pour certains, c’est la régression quasi fœtale. Linge lavé et repassé, repas mitonnés, zéro frais… La liste des délices est longue. Le film « Tanguy » se joue en boucle. Seule la fin est aléatoire.

Pour d’autres, c’est la catharsis assurée et gratis. Le linge sale est déballé avec les odeurs d’une adolescence jamais digérée et, pire, pas vraiment disparue. Cas de Noémie qui surprenait sa mère à écouter ses appels, à surveiller ses sorties…et dans quelles tenues !?

Kids sharing

Kids sharing

Sans oublier celles, et ceux qui, devenus parents à leur tour, débarquent avec leur progéniture. Alors, là, ce peut être la guerre ! Car mamie (ou papi) s’estime soudain investi(e) du nouveau rôle et de l’autorité de parent, avec une mission de sauvetage à la clé. C’est ce qu’a vécu Christelle. Très étonnée, elle a assisté à la métamorphose de son père, jusqu’ici complètement papi-gâteau avec son fils, Etienne. Transformé en père-fouettard, redevenu le professeur autoritaire qu’elle avait connu petite fille, ce dernier ne se rendait même pas compte de sa soudaine sévérité vis-à-vis d’Etienne…

Retenons pourtant la quantité de belles histoires, de réconciliations, et de liens renforcés avec les petits enfants, que beaucoup racontent… après coup. Une fois passés larmes et cris, demeurent l’amour et l’entraide. Eh oui, pécaïre, plus belle la vie !

Un étudiant chez une personne âgée ? Cela se fait de plus en plus, entre autre grâce au réseau COSI (Cohabitation Solidaire Intergénérationnelle). En PACA, c’est l’association « Un toit deux générations » qui gère les demandes, indépendamment de sites de colocation nationaux qui notent l’accroissement de ce genre de souhaits en parallèle. Aucun loyer à payer en principe. Mais il y a des variantes suivant services rendus. Le but est la présence humaine, doublement partagée dans un échange du style : grands-parents à adopter.

Kandinsky "Weilheim Marienplatz" 1909

Kandinsky « Weilheim Marienplatz » 1909

Citons le cas de Marcelline (88 ans) toujours pomponnée et fine fourchette qui n’en pouvait plus de dîner seule, soir après soir après soir…jusqu’à l’arrivée d’Agathe (22 ans) étudiante en Economie. Après un entretien obligatoire d’évaluation de leur « tandem », elles ont signé un contrat spécifiant les termes de la cohabitation : services ou pas, loyer ou non, heures de présence, etc. Très vite, chacune a trouvé ses marques. Le soir, Marcelline dresse la table, nappe en dentelle (de sa propre grand-mère), service en porcelaine, et petits plats mijotés avec tendresse. Agathe s’est inventée la mère-grand qu’elle n’a jamais eue, prend des cours de cuisine à l’œil, et se sent au calme pour étudier. Encore une fois, tout dépend d’une rencontre…