Somptueusement illustré et présenté, Valentino : Mirabilia Romae lève un coin de voile sur l’un des couples de designers les plus secrets et les plus enviés du moment : Maria Grazia Chiuri et Pierpaolo Piccioli. Ces deux romains épris de leur ville, Rome la miraculeuse, ont été présentés à la fin des années 1980. Une rencontre anodine d’où va naître l’une des plus éclatantes unions professionnelles de l’industrie du luxe et de la mode au 21e siècle.
Pourtant, comme l’avouaient leur entourage et le couturier Valentino Garavani lui-même (aujourd’hui retiré), tout les oppose. De leurs goûts musicaux à leurs affinités privées ou leur manière de concevoir leur métier. Preuve que les contraires s’attirent, ce couple complice au travail mais non à l’intime rejoint Valentino en 1999. En 2008, ils accèdent ensemble à la tête de la très convoitée Direction artistique générale de la Maison. Dès lors, un vent de renouveau va souffler sur les divisions Femme, Homme et Accessoires, dans les collections Prêt-à-porter et les présentations Haute-Couture de la marque, délocalisées sous leur impulsion entre Rome et New York. Concrets et faciles d’accès, Maria Grazia Chiuri et Pierpaolo Piccioli restent volontiers taiseux sur qui fait quoi au sein de leur binôme, préférant parler d’une symbiose cohérente dans le message intrinsèque à chaque idée.
Un mariage de raison donc, mais plus encore l’union de deux mécanismes créatifs aux enchaînements artistiques et stylistiques profitables pour une plus grande rentabilité de la Maison Valentino qui se réveille du coup telle une belle endormie. Le duo surprend et ça marche ! Maria Grazia Chiuri et Pierpaolo Piccioli engagent et saisissent des opportunités de réussite en cultivant autour d’eux une belle énergie d’équipe, conscients de l’importance et aussi de la fragilité du savoir-faire artisanal nécessaire à une enseigne de luxe dans le marché actuel et la concurrence qui fait rage.
L’impact média généré par leurs créations marque une rupture avec les dernières années. Du jamais vu depuis les grands shows de Valentino Garavani dans les 1970-1980 ! Maria Grazia Chiuri et Pierpaolo Piccioli s’investissent sans retenue dans le nouvel essor de la griffe italienne, devenue marque globale à la portée internationale. Conséquence logique : le chiffre d’affaires fait des bonds et Valentino multiplie ses profits par quatre. En juin 2015, le duo de créateurs est honoré du prestigieux CFDA Award, récompense qui a valeur d’Oscar de la mode.
L’ouvrage Valentino : Mirabilia Romae, paru en septembre aux éditions Assouline, remonte aux sources et témoigne de cette success story mieux que n’importe quelle statuette ou Grand Prix. Quels sont les codes Valentino ? Quelle est l’histoire qui connecte et légitime Valentino, une marque connue et portée dans le monde entier, à Rome plus qu’à n’importe quelle autre ville du globe ? Comment préserve-t-on l’héritage d’une griffe de luxe synonyme de sublime et de féminité pour le faire passer dans l’avenir et continuer de faire rêver (et acheter) une clientèle éclatée ?
Valentino : Mirabilia Romae fait faire au lecteur l’expérience de la diversité. Si les propos éclairants du conservateur d’art Francesco Bonami apportent une touche d’érudition monographique à l’ensemble, le vrai trésor du livre est iconographique. Photographe habitué aux backstages des plus grands défilés depuis 15 ans, Laziz Hamani a pu sillonner studios et archives de la Maison. Ses 300 clichés sublimes et inspirants témoignent du fil rouge qui relie le produit fini à l’envers du processus, à rebours, l’idée se détricote et s’incarne : du motif de telle tapisserie, à l’exécution technique de ce motif par les doigts de fée des artisans sur une robe brodée…Le langage et la sensibilité conceptrice si différents de Maria Grazia Chiuri et Pierpaolo Piccioli y dialoguent avec la cité romaine.
Plus qu’un énième beau livre sur la mode, Valentino : Mirabilia Romae est une fenêtre ouverte sur des siècles d’art à Rome où l’architecture, l’histoire, le patrimoine, les traditions, l’ancien et le moderne cohabitent sans se heurter dans un élan d’avenir.
(« Valentino : Mirabilia Romae », éditions Assouline, introduction (en anglais) de Francesco Bonami, photographies de Laziz Hamani, relié sous coffret, 300 ill. couleur, sortie 15 septembre 2015, 404 pages, 230€ ; tous visuels reproduits avec l’aimable autorisation de l’éditeur)