Pour la première rétrospective du genre en France, la Réunion des musées nationaux s’associe, du 24 mars au 17 juin 2012, au Grand Palais, à Paris, afin de rendre hommage au photographe shooté au volant de sa Cadillac en 2004.

Helmut Newton aima les femmes, les anima en conquérantes walkyries. La sienne, June Newton, lui rend l’appareil en organisant cette exposition, somme de plus de 200 clichés en tirages originaux, polaroïds, formats « pocket » ou monumentaux. Une expo au cordeau, aussi rigide qu’envoûtante, digne reflet de « la méthode » du maître, chez qui toute notion d’imprévu ou d’inattendu étaient bannies.

Helmut Newton "Autoportrait"

Helmut Newton « Autoportrait »

Car, si du produit final de Newton, dans les pages glacées des magazines, se dégageait une aura de toute-puissance du modèle, l’ambition et le triomphe de sa liberté, l’œuvre newtonienne se nourrissait en amont d’une précision conjointe à une rigueur métronomique, quasi mécanique dans sa façon germaine de contrôler jusqu’à la pointe de l’escarpin, ou le tombé cyclopéen d’une boucle de cheveux. Emane de ses portraits une impression de malaise, une inquiétante étrangeté issue du mythe de la femme dominatrice, impériale, maîtresse de l’homme et de la Terre. Et tant pis si, à l’instar de Sylvia Göbbel posant à 19 ans, ses mannequins souffraient le martyre sur des talons de 20cm durant des heures pour que le photographe ait enfin sa femme libre ! Pain is joy ! L’artiste, avant Dieu, posait son empreinte. Dès lors, ses modèles, entravées de la liberté transférée à leur avatar de papier, créaient l’illusion d’une femme pleinement libre d’elle-même et de ses choix. La boucle se bouclait. Et, de fait, les femmes de Newton se donnent à voir pleines de palpite et de stupre, peintes par grands aplats orgueilleux, suprêmement sûres d’elles, de leur emprise sur le monde et le regardant s’agiter, vaguement blasées.

Helmut Newton pour Vogue, Yves Saint Laurent

Helmut Newton pour Vogue, Yves Saint Laurent, rue Aubriot, 1975, copyright Helmut Newton Estate

Qu’en est-il de leur créateur, du démiurge à l’œil salace ? Le 6 avril 2000, à Berlin, se présentait aux enchères le livre photographique le plus cher du 20ème siècle, vendu alors pour 620 000 Marks. Aussi fort au physique qu’au moral, SUMO (c’est son nom), un beau bébé de 35.4 kilos, fut édité à 10.000 exemplaires numérotés et signés de la patoune du maestro…Mais si vous n’êtes pas acquéreur de l’un des 9.999 autres, pas de panique ! Les éditions Taschen ont sorti une nouvelle édition du mythique SUMO, plus maniable bien que tout aussi superbe et révisée par June Newton herself. Ses mensurations ? 99€99, 464 pages enduites de pur rêve. Nul doute qu’Helmut doit couver d’un très bon œil cette pierre à sa gloire. On ne pourrait lui en vouloir…

(« Helmut Newton », du 24 mars au 17 juin 2012, au Grand Palais. A noter également : le catalogue de l’exposition « Helmut Newton », Réunion des musées nationaux/Grand Palais, 256 pages, 188 illustrations, 35€, en vente le 21 mars)