Le Musée d’ethnographie de Genève présente avec « Afrique. Les religions de l’extase », une exposition qui convie le visiteur au voyage, au spirituel et à la méditation à travers une sélection de 400 œuvres issues des collections du MEG. Enrichi de photographies, de courts témoignages de fervents filmés à hauteur d’homme, et d’un parcours d’installations vidéos, ce fonds iconographique unique témoigne de l’encrage et de la présence active de croyances religieuses qui ont en commun un état mystique où l’âme (ou l’esprit) s’unit directement à un dieu.
Terre de contrastes sous un ciel que rien n’arrête, terre d’histoires orales transmises de bouche à oreille et passées de tête en cœur, l’Afrique fascine l’homme. Comment ne pas être fasciné par la force du symbole des origines sans écriture ? Puis vint l’autre, l’étranger. Le contexte historique des colonies tel que nous le connaissons remontant au 15e siècle voit la riche Afrique découpée tel un gâteau et distribuée en parts inégales à la table des pays européens dominants (Angleterre, France, Belgique, Allemagne, Italie, Pays-Bas), lesquels imposent la religion chrétienne par l’intermédiaire de leurs missionnaires, sur le feuilletage déjà garni des deux religions monothéistes implantées sur le continent (Islam, Hébraïsme), conjuguées à la matrice polythéiste résidente chez les peuplades autochtones et dont l’historicité ethnique valide la prééminence de son courant vestigial et indigène : l’animisme.
De nos jours, les religions africaines contemporaines se sont dynamisées comme nulle part ailleurs, s’augmentant au fil du temps et des flux migratoires. A Genève, le fil conducteur de l’exposition est la notion d’extase religieuse, bien connue des sociétés occidentales mais trop souvent enterrée sous le vocable fourre-tout de « mystique ». Une union intime, contemplative et intériorisée, avec le monde des esprits ou du divin, voilà le stade dans lequel se trouve la personne « en transe » (donc en transition vers…) comme dans un état second qui la met hors d’elle-même et la soustrait au monde sensible. Qu’il s’agisse d’un dieu unique, d’avatars multiples, d’un culte de la possession, de pratiques magiques, héritées ou résidentes, l’extase ressentie ou induite, réelle ou imaginaire, permet la communion des fidèles rassemblés sous les couleurs de tel ou tel culte.
Un parcours pensé en quatre étapes
La première partie de l’exposition est consacrée aux trois religions du Livre : le Christianisme, le Judaïsme et l’Islam sont les trois religions historiques implantées de longue date sur le continent. La série photographique « Holy 2 – Holy 1 – Vue de l’esprit » par Fabrice Monteiro accueille le visiteur. Une seule femme africaine pose pour cette série, l’attitude de recueillement est similaire mais les habits et les accessoires sont différents de l’une à l’autre : à gauche vêtue de noir et portant la Bible dessine le nom d’Allah, à droite vêtue de blanc et portant un verset du Coran sur une planche de bois dresse le signe d’une bénédiction chrétienne, ces deux images en négatif semblent mettent en regard le message des deux religions.
Boris Wastiau, directeur du MEG, est aussi commissaire de l’exposition. La scénographie a été confiée au Béninois Franck Houndégla. Autour, une série d’installations d’un artiste vidéaste d’origine éthiopienne, le bien-nommé Theo Eshetu, poursuit le fil rouge narratif de l’expo. On y croisera aussi les œuvres de photographes contemporains : Fabrice Monteiro, Mohau Modisakeng, Santu Mofokeng, Jean-Pierre Grandjean, Anthony Pappone, Jonathan Watts, Christian Lutz… tous partis à la rencontre de l’Autre et de l’Ailleurs en majuscules.
La visite se poursuit sur les cultes antédiluviens, divinatoires, magiques et chamaniques, savoirs ancestraux fondateurs des religions africaines. S’ajourent encore les cultes de possession : le vaudou exporté, mais aussi les moins connus mahamba, zâr, bori, ngoma, pratiques séculaires et incantatoires du panthéon des dieux et démons peuplant l’Afrique d’Est en Ouest, et du Nord au Sud. Enfin, la dernière étape est consacrée à la diversité des univers magico-religieux des tribus africaines (masques cérémoniels, cultes panthéistes, sorcellerie, démonologie, etc.)…
Plus qu’une simple exposition, « Afrique. Les religions de l’extase » peut se doubler d’un pèlerinage sans frontières sur les complexes chemins de la foi africains. Un héritage idiosyncratique immense aujourd’hui perçu comme passerelle entre les mondes et le temps.
(« Afrique. Les religions de l’extase », du 18 mai 2018 au 6 janvier 2019, Musée d’ethnographie de Genève, http://www.ville-ge.ch/meg/index.php ; tous visuels photos Stéphane Chemin)