Au croisement des mathématiques et de l’art contemporain, les deux artistes présentent 10 œuvres numériques interactives qui génèrent des images virtuellement créées sur ordinateur. Les œuvres dévoilent une nature numériquement revisitée, où le mouvement des animations imite les comportements physiques du monde vivant. Donnant à voir une version simplifiée du monde qui nous entoure, l’exposition plonge le spectateur dans un parcours sensoriel surprenant. On y découvre alors à son rythme un univers merveilleux et contemplatif, dans un traitement esthétique qui ouvre sur un espace minimaliste et onirique.

 

XYZT, une mathématique de l’espace pour créer des territoires imaginaires

Conceptuellement, XYZ renvoie aux trois dimensions utilisées pour définir un point dans l’espace. X l’horizontale, Y la verticale et Z la profondeur. Mais pour être mises en mouvement, ces dimensions requièrent une quatrième dimension : le temps T. La donnée temporelle vient ainsi mettre en mouvement les œuvres, qui programmées dans une veille aux expressions aléatoires ou répétitives n’attendent que d’être excitées par la présence du visiteur.

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Les territoires déployés réagissent ainsi aux perturbations induites par le visiteur. Sur certaines animations, une caméra le filme et envoie les données à un ordinateur qui vient projeter sur un écran ou une toile une image lumineuse et altérée de son corps. Par exemple, l’Anamorphose temporelle est un miroir qui agit sur la variable temporelle “T”. Les objets en mouvement sont déformés par un décalage de 4 secondes tandis que les éléments statiques demeurent identiques à la réalité. La présence du visiteur en mouvement se transforme alors en une danse spectrale et fluide. De même, Nuées mouvantes se fonde sur cette interdépendance entre le visiteur et sa reproduction projetée. Ici, c’est notre silhouette qui se dessine, dont seule la masse est représentée en un ensemble de petits traits volatils. Comme si des essaims d’abeilles ou des particules en friction venaient bourdonner une forme élémentaire de notre corps, imitant instantanément sa posture.

Chacune des œuvres génère donc son propre territoire, imitant les comportements du monde vivant. Mouvements de chute ou de gravité. Mouvements d’attraction ou de répulsion. Un arbre qui de la jeune pousse se ramifie et déploie ses branches soufflant des lettres. Cette dynamique, inhérente à chacune des œuvres selon un schéma programmé, a pour effet de déployer des territoires numériques imaginaires et interactifs.

Un dispositif qui place le corps au cœur de l’espace

En plus d’être totalement absorbé par les territoires déployés, le visiteur est un élément central de la conception et du fonctionnement des œuvres. Le corps est d’abord l’acteur de ces paysages abstraits. On s’amuse avec les animations, testant toutes les possibilités offertes par leur fonctionnement. Les sens sont sollicités, et l’on comprend peu à peu que le corps tout entier devient la clé qui ouvre les portes vers ces petits univers enchantés. Il faut toucher des écrans tactiles et effleurer des toiles. Il faut souffler dans un orifice et marcher sur des projections de lumière pour enclencher les différents mécanismes. Chacun devient acteur d’un paysage abstrait, merveilleux et troublant, où ce paysage renvoie tant à une nature familière qu’à une expression chimérique de nous-mêmes.

Une « mathématique artistique » qui propose des perceptions multiples d’un même paysage

Une autre dynamique contribue aussi à façonner l’atmosphère onirique de l’exposition. L’humain est en interaction permanente avec la machine. Il en ressort avec une projection mystérieuse et fascinante de lui-même, où les œuvres font corps en entraînant le visiteur dans une « bulle ». On est totalement absorbés au contact des espaces créés par les animations des œuvres. Ce dispositif interactif aspire le visiteur, qui en occulte son environnement comme s’il était seul. Dès lors, la retenue des corps semble s’évaporer, permettant de libérer un véritable langage corporel, qui induit un élan de liberté. Les corps se déplacent, jouent et interagissent, créant à la fois individuellement et collectivement, une valse des corps qui devient, elle aussi, très poétique.

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Certains pourront tester différentes postures, gestuelles et méthodes, pour exploiter pleinement les probabilités des animations simulées par informatique. Nuées mouvantes rend ectoplasme la femme qui esquisse un pas de danse, crée un nouveau paysage en faisant la lumière sur l’enfant qui s’amuse de Coïncidence #1. D’obscures particules frémissantes recouvrent le mur. Balayées de la main, les particules s’écartent comme les feuilles d’un arbre et laissent apparaître la lumière. En définitive, Adrien Mondot et Claire Bardainne utilisent une « mathématique artistique » pour mieux nous perdre dans les sentiers d’une rêverie lunaire où l’on s’égare avec un bonheur enfantin. On s’évade vers un ailleurs au contact de ces territoires imaginaires dont nous sommes les instigateurs.

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Ainsi, les corps se fondent dans les différents paysages dont chaque visiteur est acteur, tout en restant libre de contempler les mouvements des autres interagissant avec les œuvres comme autant de nouveaux paysages abstraits. Notre corps recompose les œuvres comme un élément éphémère et nouveau, où la variété des paysages dépend surtout de la variété des corps et répond à leurs mille et une manières de se mouvoir dans le temps et l’espace.

Une représentation esthétique des mathématiques et de la physique

Dans la pénombre, des fragments de sensations aussi concrètes que toucher du sable ou marcher dans l’herbe sont transposés dans un univers numérique abstrait. On interagit avec des algorithmes informatiques, où le corps du visiteur féconde avec les œuvres ces paysages abstraits perturbants. Le mouvement des corps est déclencheur de ces installations, il se fonde dans ces paysages aériens composés de lignes, de points et de lettres. On se promène dans ces espaces créés par chacune des œuvres, perdu dans les dimensions à la fois organique et géométrique des animations, où les sens du visiteur sont sans cesse sollicités.

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Les 10 œuvres présentées recherchent l’esthétique plutôt que le scientifique. Mais elles parviennent à créer une esthétique du scientifique, dans la mesure où certaines animations invitent le visiteur à « toucher du doigt » les algorithmes, même à plusieurs. Sable Cinétique illustre parfaitement cette réaction instantanée de l’algorithme à la perturbation du visiteur. Cette installation permet de dessiner avec des particules virtuelles sur un écran tactile, avec l’illusion de sentir sous les doigts la texture du sable. Les mouvements des objets manipulés sont synthétisés par ce système de particules, qui permet de toucher et faire réagir la matière virtuelle. Chaque grain de matière est doté d’une masse que des frictions importantes freinent dans leur déplacement.

Jouer avec la lumière : quand la lumière devient une matière

L’autre enjeu scientifique de l’exposition est d’avoir pleinement réussi à faire de la lumière une matière, quand les propriétés entre lumière et matière sont distinctes. La lumière est l’énergie émanant d’un corps et qui agit sur la rétine, rendant les choses visibles. Elle est presque instantanée, puisqu’elle se propage en ligne droite à une vitesse de 300 000 km/sec. La matière est la substance qui compose toute chose qui nous entoure. Pour qu’il y ait matière, elle doit à la fois occuper un espace et posséder une masse. Elle est composée de particules (atomes ou molécules) qui sont invisibles au microscope.

La lumière, utilisée dans chacune des animations, génère ainsi une matière virtuelle, mobile, et volatile. Par exemple, Collisions discrètes est un espace qui permet de jouer avec un alphabet soumis à la gravité dans un écran tactile. Par l’effet de cette dernière, les lettres semblent dotées de poids et de rebonds, et donnent en s’entrechoquant, une réelle sensation de matérialité. De même, Anamorphose spatiale produit une déformation réversible effectuée grâce à un procédé mathématique : la perspective y est recomposée depuis un point de vue idéal, faisant naître un relief en mouvement à partir de simples lignes. Avec des gouttes, vagues ou des ondulations, l’installation reproduit une étendue d’eau en perpétuel changement, qui se ressent comme une balade sur une rivière.

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Les concepts mathématiques et physiques, cachés derrière certaines installations, seront dévoilés par des médiateurs scientifiques au cours d’exposés en marge de l’exposition. Si l’idée est tout-à-fait pertinente, ces exposés peuvent parfois paraitre trop pointus, compte tenu de la complexité des procédés scientifiques présents dans les œuvres. Un effort de « vulgarisation » scientifique aurait été appréciable. Autre petit bémol, certaines animations, à l’exemple de Champs de vecteurs ou Anamorphose spatiale, semblaient légèrement décalés par rapport aux perturbations provoquées par le visiteur. Alors que les images de l’exposition suggèrent une synchronisation parfaite entre les mouvements du visiteur et l’animation. Hormis ces deux points, XYZT, les paysages abstraits est une exposition qui sort de l’ordinaire.

En résumé

XYZT, les paysages abstraits se situe à la confluence du scientifique et de l’esthétique, qui se complètent et se répondent. Elle génère un univers féérique à travers 10 œuvres dans lesquelles le corps devient l’interface nécessaire entre la machine et le visiteur. Paradoxes mathématiques, illusions typographiques ou métaphores en mouvement, dessinent les images de ces paysages. Les installations explorent des interactions inédites et exploitent d’anciennes techniques d’illusions, jouant avec l’espace et les dimensions déployés. Les possibilités offertes par les œuvres combinatoires et génératives offrent une expérience unique au visiteur, dont le corps se libère au contact des animations, s’inscrivant lui aussi dans l’abstraction de ces paysages numériques. L’exposition offre une fusion entre le réel et le virtuel, le géométrique et l’organique, dans une relation aussi troublante que magique.

Originale et novatrice, à mi-chemin entre les arts plastiques et les arts vivants, XYZT, les paysages abstraits est une expérimentation numérique inédite, troublante et fascinante, qui fait de la lumière une matière à la fois virtuelle et éphémère.

(« XYZT, les paysages abstraits », Palais de la découverte, du 9 juin 2015 au 3 janvier 2016, http://www.palais-decouverte.fr/fr/accueil/)

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