De Wall Street à la City, de Paris à Berlin, de déboires capitalistiques en trinquades utopistes, c’est encore la même antienne qui nous est rabâchée à chaque tour de page ! Habile manipulation ou crampe du scénariste ? C’est qu’il n’en fut pas toujours ainsi, figurez-vous ! A une époque pas si lointaine de la nôtre et dans une galaxie proche, les « faiseurs de monnaie » étaient une action sacrément à la hausse !! Expliquons. Le banquier, pièce fusible d’une machinerie génératrice d’obligations, n’incarna pas, au commencement des lois de marché, ce prédateur avide que nous nous plaisons à blâmer en rond aujourd’hui.
Publication nouvelle des Editions du Palio souhaitant vulgariser les sujets académiques abscons au plus grand nombre en mobilisant la fée romanesque, « Si l’argent m’était conté… », de l’ancien journaliste et actuel vice-président de la Compagnie des Experts Financiers, Jean-Philippe Bidault, est un précis primesautier au fronton duquel luit le dieu Argent. De dieu, il en est question dès l’avant-propos et son allusion à Ploutos, « dieu du fric » ! On réfléchit, on s’amuse énormément au fil des pages qui défilent sous le doigt comme des liards. Qu’est-ce que « l’Office de Saint-Georges » ? Qui est « la Sorcière de Bretton Woods » ? Et surtout, miroir tendu à nos systèmes financiers qui réifient les individus pour les laisser breloques inutiles et usées, doit-on voir le musée de l’Histoire au ratio de ce que nous trouvons si effrontément d’actualité ? Fasciné par les comportements souterrains des grands argentiers, Jean-Philippe Bidault agite son livre d’un pandémonium de roueries contagieuses, fait rimer lésine avec tartine, enfin lâche la bride à la muse de l’uchronie – cette roupie de sansonnet face aux crises aveugles. Creusant un sillon parallèle d’une plume amusante et amusée, Delphine Gaston publie « Le Coiffeur de Mussolini…et tous ces hommes de l’ombre qui ont influencé l’Histoire », aux Editions de l’Opportun.
Du druide de Jules César à l’évêque Aldabéron, de l’accoucheur qui fit sortir l’Aiglon au (k)amikaze asiate de JFK, en passant par Hugues Aubriot, surintendant des finances de Charles V, ce sont quelques personnages hautement probables et aux destins chamarrés que convoque Delphine Gaston avec une gourmandise de catalogue. Parfois narquois, souvent gonflés, ses portraits affichent le mérite de mettre un visage sur les nègres du Pouvoir. Comme on l’apprit d’une pensée attribuée à Napoléon, « L’Histoire est un mensonge que personne ne conteste ». En nos périodes actuelles, voici une paire d’essais qui débourrent les idées reçues et forcent la perspective de l’Histoire telle qu’elle va, braquant sur deux grands invisibles du peuple : les rouages de l’argent au pouvoir et ceux qui les entraînent.
(« Si l’argent m’était conté… » de Jean-Philippe Bidault, éditions du Palio, sortie mars 2012, 206 pages, 19€ / « Le coiffeur de Mussolini… » de Delphine Gaston, éditions de l’Opportun, sortie 1er mars 2012, 160 pages, 13, 90€)