Air suffocant, quartiers pauvres et sales, bicoques immondes, canaux infestés d’une faune inquiétante, dans et hors de l’eau. En effet, que dire des humains ? Venimeux, rancuniers, impitoyables. Ce roman est une plongée au fond d’une Floride létale et de pensées humaines qui ne le sont pas moins.

« Le quartier avait été conçu, à la fin des années 50, pour être la Venise de la Floride, un paradis tropical où on pourrait se rendre en bateau chez son voisin pour un barbecue, mais les canaux qui passaient derrière les maisons avaient fini par rejoindre les marécages, en conséquence de quoi ils abritaient aujourd’hui une population de serpents et de lézards géants aux yeux scintillants. Les résidents voyaient parfois des pythons nager dans les canaux, ondoyants rubans dotés de crocs. A la lisière des jardins, lézards et varans observaient le monde des humains. Une habitante du coin jurait avoir vu un anaconda (…) »

Gavin ne peut pas même respirer l’air de Sebastian (Ville de Floride dans le Comté d’Indian River). Pas seulement métaphoriquement mais aussi physiquement : il étouffe dès que les chaleurs dépassent certains seuils. Et les chaleurs floridiennes dépassent souvent certains seuils. C’est pour cela – entre autres raisons – qu’il est parti vivre à New York dès après l’université, pour vivre son rêve d’être journaliste … ou détective privé. Il sera journaliste, dans un grand journal de NYC et puis…

« Les variations Sebastian » d’Emily St. John Mandel, éditions Rivages/thriller

« Les variations Sebastian » d’Emily St. John Mandel, éditions Rivages/thriller

Une scène de mémoire rassemble tous les personnages de ce roman remarquablement construit. A la fin de leurs études, des ami(e)s jouent leur dernier concert juchés sur la plate-forme d’un pick-up. Ils sont passionnés de musique et ont formé un quatuor fort prisé au lycée et autour. Ce soir-là, ils ont décidé de clore l’histoire musicale du « Lola Quartet » (c’est d’ailleurs l’excellent titre original du livre – pourquoi l’avoir changé ?) avant d’aller par les chemins de chacun(e). Cet éclatement du groupe va commander la structure du roman de Mandel : sans cesse ces quatre vont s’éloigner, se rapprocher, s’éloigner … Comme une métaphore centrale, le quatuor, dix ans plus tard, est à l’œuvre dans la vie de ses anciens membres.

« Et la soirée poursuivit son cours avec les danseurs vacillants et la musique incessante, mais Gavin eut le sentiment qu’un changement s’était produit, comme une décharge électrique qui parcourait l’air. Quand il leva la tête, Anna avait disparu. »

Et cette disparition va guider les pas de Gavin, dix ans plus tard, dans une recherche haletante et sombre.

Le cynisme des personnages, le cadre brûlant et étouffant, la recherche d’une disparue, le héros loser, plusieurs éléments de ce roman évoquent Raymond Chandler. Certes, la Floride remplace ici la Californie, mais les univers sont proches. Comme en un clin d’œil littéraire, Emily St. John Mandel signe cette parenté en hommage au grand Raymond :

« La particularité des détectives privés, avait lu Gavin quelque part – Raymond Chandler ? Vague souvenir d’un essai copieusement souligné parmi ses papiers abandonnés à New York, sans nul doute jetés à la poubelle par son propriétaire et actuellement en train de pourrir dans une décharge -, c’était qu’ils portaient un trench-coat. »

Jusqu’au bout la quête de rédemption va mener Gavin dans la route où il nous entraîne. Jusqu’au bout.

(« Les variations Sebastian » d’Emily St. John Mandel, éditions Rivages/thriller, traduit de l’anglais (Canada) par Gérard de Chergé, sortie février 2015, 309 pages, 20€)

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