« Je trouve que c’est assez beau d’être ridicule. Ridicule comme lorsqu’on prend la main d’une fille pour la première fois »

Marc Lavoine, entretien avec Philibert Humm in. Paris Match.

Cette phrase pourrait très bien résumer le premier récit du chanteur, par touches, à l’intime des sentiments. L’histoire d’un homme attachant, complexe, qui raconte avec une distance honnête le roman d’un enjoliveur, un récit basé sur une histoire fausse, un portrait d’une vie simple et heureuse !

Marc Lavoine se livre comme une lyre, aux doigts de l’artiste, pour ensuite mieux « s’allonger dans la vie quand tout le monde reste debout », rêver à la beauté de celle-ci, même si elle n’est rien à ses yeux sans la force, sans la flamme des sentiments, une main tendue vers ceux que l’on aime, pour prolonger avec fragments le si beau voyage d’une vie, mensonge des mémoires, émoi des songes !

L’auteur raconte dans L’homme qui ment, l’histoire de sa vie, avec ses parents, son père, membre du parti communiste français, qui voulait vivre mille vies, au rythme fougueux de ses conquêtes, de l’histoire de ses parents entre eux et le monde autour, à celle de sa mère qui s’attachait à ne vouloir en vivre qu’une. L’histoire telle qu’elle va, celle qui marque les années 1960, dans une banlieue qui croyait aux lendemains qui chantent, de celle qui vous marque à jamais. De ces espaces contraints de liberté, de fratrie, d’amour, qui permettent de rester ensemble ou de se quitter, de vivre avec un prénom désiré mais qui n’est pas le sien. De mentir, pour que les êtres, dans le chaos des sentiments, puissent se sacrifier et que perdure ainsi la passion plus que de déraison, à la raison d’un monde qui entend dicter ses lois.

Car finalement, tout ceci n’a l’importance que l’on veut bien y porter, que l’on veut bien y retrouver dans les yeux humides et bleus de la mémoire. C’est peut-être ça la force de ce roman. En réalité, rien n’est irrémédiablement mauvais si l’on pardonne et si l’on aime sans détour, simplement, au fond des yeux de celui qui sait, le chemin écoulé aux côtés des ravins de l’existence.

"L'homme qui ment" de Marc Lavoine, Editions Fayard

« L’homme qui ment » de Marc Lavoine, Editions Fayard

 

Le reste n’est qu’un théâtre d’ombres, où l’on joue à ce que l’on aimerait être, à ce que l’on a été peut-être dans le regard des autres. Fidèle à ses origines, à l’exigence du travail, fidèle surtout à ce que l’on voudrait laisser à ses enfants, un patrimoine humaniste, simple et vrai. Peut-être enfin, parce qu’il est toujours trop tard, pour dire à ses parents, combien on les aime, combien ils nous manquent et que la vie ne nous permet jamais de le dire vraiment, car visiblement il y a toujours quelque chose de plus important à faire, à dire, à cacher !

Et si l’important dans une vie était tout simplement dans le mouvement, avec une certaine lenteur, comme pour éviter de perdre la mémoire, une action intérieure de chacun, nécessaire, pour rejoindre la circulation dans le vivant, danser sa vie à tous les niveaux de l’être et du divin ? Une certaine idée du bonheur en quelque sorte, pour rester fidèle à ceux que l’on aime et être enfin accepté pour ce que l’on est !

Il n’y a que le temps qui remette les mots en place, les langages se posés, en y ajoutant une couleur chaude sur la blancheur du papier, foyer du soleil couchant, sous une pluie battante, une comédie entre héros et cœur gros, alors, oui Marc Lavoine se dévoile, mais c’est pour mieux nous éblouir de sa sincérité, de son audace, comme si « les bleus avaient du mal à disparaître, que nos souvenirs seraient bleu, mais pour combien de temps encore ? »

Le temps passe, le temps presse, alors autant en profiter !

(« L’homme qui ment » de Marc Lavoine, éditions Fayard, sortie 14 janvier 2015, 192 pages, 17€)