En réponse à l’omniprésence médiatique des grandes marques, les artisans et façonneurs d’art ont compris qu’il fallait changer pour survivre. Et adapter leur offre au consommateur de demain. Mais pourquoi un tel engouement pour des produits superflus ? Le Mot et la Chose a enquêté sur ces nouveaux codes du luxe.

Chiffres et dépendances

A notre époque dite « matérialiste », le marché du luxe est celui qui se porte le mieux. 212 milliards d’euros de chiffre d’affaires pour l’exercice 2012. Des progressions jusqu’à deux zéros par secteur et une progression mondiale de 5 à 7% par an. Une expansion, due en partie à l’accès à la consommation de pays sortis du « tiers-monde » quasi simultanément, Inde et Brésil en tête. Selon une étude de la firme Bain & Company, le segment des « produits personnels » (prêt-à-porter, accessoires, joaillerie, montres, parfums) sera 5 fois plus grand en 2025 qu’il ne l’était 30 ans auparavant !

Est-ce la perte de repères dans une société standardisée ? Le retour à la tradition et au tangible à l’ère du tout dématérialisé ? La peur du futur ? Le vieux besoin qu’entretient l’homme de montrer ses signes extérieurs de richesse ? Et si c’était, tout bêtement, un besoin de beauté ? Paradoxalement, en dépit des chiffres, le monde du luxe doute. Les vieilles recettes ne marchent plus comme avant « à coup sûr ». Le développement, poussé à l’extrême par les grands groupes, de marques confidentielles par le passé, inquiète les observateurs. Sans compter l’arrivée d’une nouvelle génération d’acheteurs, plus concernés par leur identité propre que par l’objet pour l’objet.

Le risque, pour ces gros mastodontes du marketing international, serait que le public finisse à terme par se détourner de la marque. Colosses d’argile, ils savent leur poids être aussi leur pire faiblesse. Selon l’observatoire Altagamma : « les marques ont du mal à suivre les comportements et préférences des jeunes en constante mutation. » En effet, comment s’adapter rapidement dans un marché qui change à la vitesse de Twitter ? La révolution vers plus d’individualité est peut-être en marche. Dans les officines, les arrière-cours, les cabinets secrets, à fond de cave ou d’atelier, il se chuchote les prémisses d’un avenir libéré de l’étiquette, mais où le souci du beau et la recherche de l’exceptionnel seraient constants.

L’intelligence de l’œil, le travail de la main

Le vrai luxe est-il affaire d’argent, de temps, ou de comportement ? Volontaire, rompue au secteur après 8 ans passés comme directrice de collection pour la maison de couture Azzaro, Cécile Leal a sa réponse à la question. Fondatrice d’Art & Facts en 2012, cette pétillante parisienne est aussi conférencière pour Paraffection. Pour mémoire : la filiale de Chanel dédiée à l’acquisition et à la promotion d’entreprises représentatives du patrimoine et d’un savoir-faire d’excellence à la française, regroupées sous l’appellation des « Métiers d’Art ». « Notre postulat de départ avec Art & Facts, c’était le geste », résume-t-elle. Et un cadre d’activité : l’événementiel. Art & Facts propose autant un accompagnement sur-mesure dans une démarche personnelle, qu’une mise en lien exclusive du client vers l’artisan.

Cecile Leal - Art & Facts

Cécile Leal – Art & Facts

Cécil Leal explique : « nous agissons dans un couloir spécifique, celui de l’événementiel, c’est-à-dire pour un mariage, pour une remise de prix, une cérémonie, une soirée particulière, etc. Même pour un premier rendez-vous amoureux…sourit-elle. En tant que femmes, nous voulons toutes être à notre avantage, et l’accessoire, réfléchi et pensé, aide à cette confiance en soi. » Bijoux, souliers, gants, mais encore chapeaux, parures de tête et minaudières, Cécile Leal et son équipe accompagnent la cliente au plus près de ses envies, tout en lui ouvrant les portes d’un univers, intimidant et exclusif à la fois : celui de l’artisanat d’art.

Pour mener à bien son entreprise, Cécile recherchait « des créateurs qui soient capables de réaliser des pièces à la main, à l’instar d’Eloïse Fiorentino, une disciple d’Hervé Van der Straeten, ou Ligia Dias, qui créent toutes deux leurs bijoux à la main. Fred Marzo, chausseur, conçoit lui des souliers magnifiques dans les matières les plus nobles, et garantit le « monté fini main » gravé sur la semelle… » Un gage d’authenticité et d’excellence, de fabrication 100% française.
« En ce qui concerne les marques entrées dans le giron Chanel, poursuit-elle, nous en proposons deux : Maison Michel et Maison Guillet. La première était un façonnier de l’ombre spécialisé dans les chapeaux, qui ne travaillait que pour la haute-couture, jusqu’à son rachat en 1996 par Chanel, avec les moyens que cela suppose…et surtout l’influx de sa nouvelle directrice artistique en 2006. La deuxième, Maison Guillet Lemarié, est un pur artisan façonnier, spécialisé dans l’élaboration et l’assemblage de fleurs en tissu. » Les « pétales » de la Maison Guillet sont réalisés grâce à plus de 10 000 matrices, « des moules qui sont aussi des antiquités, les derniers ateliers à les fabriquer ayant disparu », nous dit Cécile Leal. Soie, mousseline, cuir, tweed, les matières les plus poétiques se prêtent au jeu des fleurs, entre les doigts de fées des artisans…

Soubis

Audrey Harris – Soubis – Copyright Stéphane Chemin/Le Mot & la Chose

Une vision similaire anime Audrey Harris (lire notre portrait ici). Pour Soubis, marketplace dédié à la promotion et à la vente d’un artisanat d’excellence, la jeune entrepreneuse a réuni une soixantaine de talents, au sein d’un showroom pimpant à deux pas de la rue Saint Honoré.
Gantiers, chapeliers, ébénistes, éventaillistes, maroquiniers, créateurs en parasolerie, corsetiers, paruriers, créateurs de mode, parfumeurs, sound designers, chausseurs, etc. Forte de son expérience orientée « digital », Audrey Harris voue le travail des maîtres de la Haute-Façon aux nues, et a bien l’intention de le faire savoir ! « Je suis partie de l’idée qu’il y  avait une place inoccupée dans le secteur des produits à forte valeur ajoutée, déclare-t-elle. Se faire réaliser une console sur-mesure, un vêtement ou un parfum rien que pour soit, est inaccessible pour la plupart des gens. Les grandes marques sont seules à faire travailler ces artisans, qui sont aussi des artistes. Or, eux sont très demandeurs d’un contact direct avec l’acheteur. Chez Soubis, nous valorisons l’artisan avant le produit. »

Le laid se vend mal !

Designer et graphiste visionnaire, souvent critiqué, jamais égalé, Raymond Loewy est l’auteur, en 1953, d’un brûlot appelé à devenir un bestseller. Son titre, La Laideur se vend mal (Gallimard, 1990), résume sa philosophie appliquée à l’industrie. Pour Loewy, qui invente la profession d’industrial designer, tout objet que l’on veut vendre doit posséder les critères suivants : équilibre des formes, qualité de conception, servilité maximum. Son obsession ? L’harmonie, qu’il s’agisse d’une locomotive, du mariage, d’une boîte de conserve ou des rapports humains…Plus d’un demi-siècle après son essai, beaucoup de fabricants ont perdu cet idéal jadis vivace, au profit d’un prêt-à-jeter qui est souvent laid, bruyant, polluant, encombrant et ne sert qu’un dessein : produire sans cesse plus d’unités. Seul îlot à rebours dans ce gâchis ambiant, le luxe de ces dernières années s’est démocratisé.

Comme le souligne très justement la créatrice joaillière Garnazelle : « pour certains, la quantité prime sur la qualité. La puissance médiatique de quelques marques fait franchement du tort à des créateurs comme nous, plus modestes, qui assurons des critères de qualité exigeants. C’est clair que LVMH n’a pas fait que du bien à la profession ! »

 

Garnazelle - joaillière

Garnazelle – joaillière

La fibre artistique cousue au corps depuis l’âge tendre, Garnazelle évolue parmi les pierres de lune, les chrysoprases, les améthystes et les quartz changeants, dans son écrin parisien de la rue du Marché Saint Honoré. Une boîte feutrée où elle règne depuis bientôt 10 ans sur un bestiaire foisonnant. Car, toutes les bêtes précieuses viennent à Garnazelle. « Ce nom, dévoile-t-elle, c’est la grenouille de Sologne. Quand j’étais petite, on m’appelait Garnazelle, parce que je marchais comme une grenouille, et c’est resté ! » Garnazelle a fait du beau (et gros) bijou, une profession de foi. « Mes pièces sont fabriquées en France dans les meilleurs ateliers, beaucoup sont des pièces uniques, lâche-t-elle pour mettre les choses au clair. » Bestioles et chimères veillent. Dans une vitrine, un serpent d’or et de péridot vous fait de l’œil… Que Garnazelle se rassure, les géants aussi ont leurs revers.

En effet, si LVMH est toujours le premier groupe de luxe au monde, des signes de lassitude se font sentir chez une clientèle ultra sensibilisée. A tel point que son chiffre d’affaires affichait une baisse de 3,8% au troisième trimestre 2013. Il n’en fallait pas plus pour inquiéter les analystes. En cause, la marque Louis Vuitton, poule aux œufs d’or de Bernard Arnault sur laquelle repose la moitié du CA du groupe. Et de pointer la contre-performance du célèbre monogramme dans l’Empire du Milieu ! Olivier Abtan, du Boston Consulting Group, note : « la baisse de la consommation, en Chine, mais aussi l’incertitude politique, et le développement de la lutte contre la corruption, ont eu un effet très négatif sur le commerce des cadeaux pour la période. » Est-ce le bambou qui cache la forêt ? D’autres observateurs évoquent un problème, récurrent chez Vuitton, qui est celui de la banalisation de l’image d’un produit qui est par essence voué au luxe, donc à un certain élitisme.

Garnazelle renchérit : « vous avez vu toutes ces femmes avec un Kelly Hermès au bras ? Ils sont peut-être beaux, mais à force, c’est l’overdose ! Le phénomène de rareté fait quand même partie du métier. Mes créations sont précieuses, je ne vais pas inonder la marché avec, au risque de les dévaluer ! » Comptez à partir de 1 250 € pour une bague d’or jaune, 2 000 € pour des créoles du même métal, et plusieurs milliers d’euros pour des pièces conjuguant la technicité du façonnage, aux pierres les plus belles. « C’est le prix juste, rassure Garnazelle. Nous sommes une petite structure, tout est fait en France, c’est de la Haute-Joaillerie. Moi, je crois à la qualité, j’ai tout misé dessus. Je ne vole personne et ne « marge » pas abusivement. Une bague à 4 500 €, c’est son prix juste, rien d’autre ! »

Compagnons de France : à l’école du Devoir

Dans le droit-fil de la tradition séculaire médiévale, les Compagnons du Devoir ont pour mission de former les artisans de demain. Un savant mélange de techniques ancestrales au parfum d’antan, et d’affranchissement lucide des réalités modernes, nourrissent les Compagnons par cols et par routes. Un enseignement transversal et pluridisciplinaire qui porte parfois ses fruits sur l’homme-souche qui accepte le voyage. C’est ici que Walter Steiger, l’un des derniers chausseurs mythiques encore en activité, leur emboîte le pas.

Walter Steiger

Walter Steiger

On ne présente plus Walter Steiger. Ou si peu : héritier d’une entreprise familiale qui, en 1935, se spécialise dans la chaussure de ski, puis créateur avec sa propre marque en 1974, ce passionné d’architecture et de design aura son talent consacré aux pieds des femmes…Aujourd’hui, deux boutiques parisiennes représentent la quintessence du style Steiger. Rive gauche, boulevard Saint Germain. Rive droite, avenue Matignon. C’est à cette dernière qu’en 2009, la marque élargit son offre avec une proposition en mesure et semi-mesure. Elle intègre alors dans ses rangs un enfant de la balle, le cordonnier-bottier Alexis Guyot.

Compagnon, ce dernier est passé par le bottier montmartrois Anthony Delos. Fort de son expérience de 7 ans dans la chaussure orthopédique, Alexis conçoit son métier de manière pragmatique. Son approche, quasi médicale, le pousse à anticiper tous les cas de figure qu’un pied peut rencontrer dans une chaussure : « j’ai besoin de savoir à quel usage le client destine les souliers. Si c’est pour une soirée, pour du casual, pour rester enfermer toute la journée dans un bureau, ou bien courir d’un rendez-vous à l’autre…La chaussure ne sera pas du tout conçue de la même manière. Après, on peut s’amuser, même si j’ai toujours à l’esprit, au final, le confort de la personne à chausser. » Alexis Guyot continue, intarissable sur le sujet : « Chez Steiger, je travaille tous les types de cuir, du veau au cuir exotique, je sais que les peaux sont parfaites parce que c’est moi qui les ai choisies. Je fais tout, le montage, l’assemblage, les essayages, je me déplace chez le client au besoin. »

De fait, l’atelier attenant aushowroom de l’avenue Matignon aligne formes des client(e)s, pinces, repoussoirs, clous…Un outillage barbare, hors du temps et pourtant actuel. Interrogé sur sa manière de procéder à la réalisation d’une paire (qui prend des semaines de travail), le bottier lance : « vous savez comment les anciens compagnons testaient l’étanchéité de la semelle ? Ils plongeaient les chaussures dans une bassine avec un fond d’eau : simple, vous ne pouviez pas vous tromper ! On en passe plus par là…quoique ! » Conjointe à son offre de chaussures pour femme en prêt-à-porter, Walter Steiger et ses fils ont donc décidé d’en revenir à la tradition du sur-mesure, que certains doivent regretter d’avoir trop tôt condamnée…Nouveau venu dans la place, mais fort du talent d’Alexis Guyot, Walter Steiger peut se targuer de proposer un produit aussi bien fait à l’intérieur, que beau à l’extérieur. Comptez 4 300 € pour une paire sur-mesure en veau. Vos pieds le valent bien !

L’autre bottier Compagnon à ne plus quitter d’une semelle, c’est Pierre Corthay. Ami et connaissance d’Alexis Guyot, Pierre Corthay (lire notre portrait ici) est ce qu’on pourrait appeler un « dingue » de chaussures ! Ou, si on préfère, un Maître d’art qui excelle dans son métier. Détenteur de cette haute distinction depuis 2008 (il est l’unique bottier à l’avoir), l’artisan vaudois a entamé, en 2010, une spectaculaire expansion de sa marque.

Maison Corthay

Maison Corthay

 

Amoureux du beau avant tout, formé chez John Lobb, puis Berluti, Corthay a toujours voulu « faire des chaussures. » Son rachat, l’arrivée d’un partenaire financier en la personne de Xavier de Royère, ont mis le feu aux poudres et porté sa marque (rebaptisée Maison Corthay) sur une autre échelle…mondiale. Ainsi, trois ans plus tard, Maison Corthay est présent dans les lieux stratégiques du marché du luxe. « Il fallait qu’on aille là où se trouve notre clientèle, car ces hommes voyagent beaucoup, mais ne feraient pas le déplacement jusqu’à notre boutique de la rue Volney à Paris, c’est nous qui allons à leur rencontre. »

Ce développement tombe à pic pour une clientèle qui n’a pas nécessairement les moyens de se payer une paire en grande mesure à 4 500 €. Désormais, avec le même niveau d’exigence, mais considérablement moins d’heures passées, l’amateur ou le novice peuvent s’offrir des Corthay en demi-mesure, à partir de 1 100 €. « Pour ce prix, reprend Pierre Corthay, on assure la pose de patin, d’un fer, et le modèle est fait à la commande dans une ribambelle de teintes, de glaçages, de patines, et des détails que vous ne trouverez qu’en botterie traditionnelle ! »

Trouver son emblème : le talent d’Achille

Si Maison Corthay n’a guère tergiversé avant de se fixer sur un critère d’exigence emblématique, immédiatement reconnaissable de son public, d’autres marques, en revanche, se sont longtemps cherchées. Car, au royaume du luxe, il ne suffit pas de faire du beau, il faut aussi faire de l’inoubliable ! Créer le désir. Susciter la convoitise. A l’instar de la créatrice japonaise Ken Okada (lire notre portrait ici).

Ken Okada

Ken Okada – Copyright Stéphane Chemin/Le Mot & la Chose

En 2001, Ken Okada n’a pas débarqué de son Japon natal que sa technicité architecturale du vêtement et sa précision dans la coupe se font illico remarquer. La suite est en forme de sourire. Primée, encouragée, elle n’a d’autre choix que de faire vivre sa vision de la mode sous son propre nom. « Mes débuts furent très rapides, explique-t-elle, très soudains. Du Bunka Fashion College à Tokyo, aux salons professionnels à Paris, tout m’a poussé à me lancer dans l’aventure d’une marque qui porterait mon nom, qui représenterait une identité, à la fois féminine, sensuelle et graphique. J’avais mes preuves à faire, c’était un gros challenge ! » Ouverte, curieuse, pourvue d’une solide connaissance des arts classiques, Ken Okada ne tarde pas à trouver un lieu à son image.

Comme un fait-exprès, elle ouvre sa boutique rue de la Chaise, à deux pas du swinging Saint-Germain-des-Prés. « Dans ce quartier que j’adore, poursuit-elle, la clientèle est très ouverte, curieuse et positive. Je me cherchais encore à l’époque, restait à me trouver une identité forte… » En 2009, à l’occasion de sa participation, dans un prestigieux grand magasin parisien, sur le thème de la chemise, Ken Okada trouve enfin son identité. Son emblème, ce sera la chemise, dans toutes ses déclinaisons et parentés. En effet, imaginées par la créatrice, confectionnées avec soin dans les matières les plus pures, ses chemises et chemisiers sont instantanément reconnaissables.

Maîtres-gantiers de pères en fils depuis 1946, les hommes derrière la Maison Georges Morand incarnent une success story à la française. Si la question de l’emblème ne se pose pas dans l’entreprise familiale (implantée depuis les lustres à Saint-Junien, en Limousin), le défi de perdurer au 21e siècle, dans un secteur aussi suranné que la ganterie de luxe, tombe sous le sens. Des ateliers, 200 000 paires de gants sortent chaque année. Une prise de risque qui passe, sur le marché français, par le lancement, en 2002, d’une gamme en cuir d’agneau plus accessible, bien que respectueuse des savoir-faire traditionnels dévolus à la haute-ganterie. Le beau gant n’est pas mort. L’équipe Georges Morand, aujourd’hui emmenée par la troisième génération, en la personne de Frédéric Morand, entend bien le crier haut et fort !

Maison Georges Morand

Maison Georges Morand

Les deux dernières décennies sont marquées par l’hyper spécialisation et l’innovation. C’est ainsi que naissent les premiers gants « tactiles », sans coutures aux doigts, crées pour les pilotes de l’Armée de l’Air. Des gants taillés pour le vol, toujours inégalés dans le monde ! S’ensuivent des commandes prestigieuses pour la Haute-Couture, notamment Jean-Paul Gaultier. Mais, et Frédéric Morand y tient, la réalité mercantile du monde actuel ne laisse guère de place aux rêveries d’antan. Si élan artistique il y a, celui-ci doit être accompagné de lucidité économique. Frédéric Morand : « notre gros challenge concerne le développement commercial, car la survie de la marque passe par une croissance des ventes à l’export. Notamment, vers  les USA, qui est un vaste marché non exploité. » Faire vivre le luxe français, c’est bien. Le faire connaître au-delà des frontières hexagonales et répondre, de manière ciblée, aux besoins d’achats d’une clientèle étrangère, c’est mieux !

Discrètement, mais sûrement, Anna Ruohonen (lire notre portrait ici) se présente comme un acteur incontournable, à Paris, d’un prêt-à-porter de niche, jadis délaissé, aujourd’hui ultra désirable : le semi-couture, ou demi-mesure. « En Finlande, d’où je viens, la mode n’est pas aussi importante qu’elle l’est ici, à Paris, débute Anna Ruohonen d’un inimitable accent polaire. J’ai commencé avec la mode homme. Ce rapport au vêtement, à sa coupe sur une personne, cette démarche presque mesure, tout ça était en revanche assez naturel pour moi. D’ailleurs, si on a un concept fort et qu’on y croit, on trouve sa place. » Joviale et accueillante, Anna reçoit désormais sa clientèle parisienne boulevard Raspail.

Anna Ruohonen

Anna Ruohonen – La Petite Maison de Couture – Copyright Stéphane Chemin/Le Mot & la Chose

Sa Petite Maison de Couture occupe l’espace entier d’un immeuble conceptuel, à mi-chemin entre la maison de ville et l’atelier de confection. L’entièreté de la chaîne de production semi-couture est d’emblée visible depuis la rue, pour ne rien dissimuler du travail minutieux qui s’opère à l’intérieur. Là aussi, précise Anna, « un sacré défi, mais on est ravis ! J’habille aussi bien la femme que l’homme. Nos clients choisissent une pièce qu’ils aiment pour son style, sa forme, ce qu’elle exprime d’une identité. Si je me réserve la matière pour une question de tombé, le reste, c’est au choix : telle couleur, raccourcir, rallonger, etc. Et bien-sûr, le vêtement sera entièrement coupé à neuf à l’étage après la prise des mesures qui s’effectue lors du passage en boutique ! » Un ultra-luxe à la portée des citadins pressés, blasés de se conformer à un code vestimentaire, comme à une mode impersonnelle et banalisée.

« J’adore l’idée d’avoir un emblème, même si ça veut malheureusement dire d’être copié. Mais c’est aussi ça, le succès ! » Créatrice de bijoux désirables, Garnazelle sait de quoi elle parle. En quelques mois, sa bague « Boule d’amour » a fait des petits dans la bijouterie à bas prix, sur les étals des marchands ambulants…Comment crée-t-on un fétiche à succès ? « Boule d’amour, dit Garnazelle, ça m’est venu comme ça, en rêve…Je suis de nature poétique, très rêveuse, presqu’enfantine. J’adore les bagues ! Et j’avais envie d’une bague ronde, féminine, chaleureuse, qu’on veuille porter, offrir, admirer, quelque chose de très intime, de gros. Voilà : Boule d’amour. Elle me plaisait à moi, en fait ! » rit-elle, avant d’évoquer l’engouement immédiat des femmes pour cette sphère maternelle que Garnazelle décline, depuis, au gré de ses caprices, des métaux et des pierres qui lui tombent sous le doigt !

Chez Walter Steiger, vénérable institution de la (très) belle chaussure femme, récemment augmentée du soulier homme et d’un atelier mesure, le processus cherchant à établir un canon esthétique s’est déroulé en sens inverse. « Walter Steiger tournait très bien avec sa clientèle fidèle depuis des dizaines d’années, nous dévoile Céline Surrel, passée du bottier John Lobb, au showroom de l’avenue Matignon. Seulement, la logique de cette époque ne correspond plus aux critères d’achat du consommateur actuel. Pour survivre, il faut proposer un produit instantanément identifiable de par le monde : Louboutin, ce sont les semelles rouges ; Roger Vivier, c’est la boucle sur la chaussure ; Hermès, c’est le Kelly ou le Birkin ; Chanel, le sac matelassé ; Vuitton, le monogramme ; Gucci, le fermoir bambou, etc, etc. Steiger devait aussi avoir son « signe » distinctif. Les héritiers de Walter, Giulio et Paul, ont donc opté pour le talon courbe, qui flatte d’autant la cambrure que nos chaussures pour femmes ont généralement de très hauts talons ! »

Walter Steiger

Walter Steiger

Les « petits » artisans ont eux aussi le devoir de se choisir un emblème. Certains n’attendent d’ailleurs pas qu’on les y invite ! De son passage chez Christian Louboutin, Fred Marzo (créateur référencé par Cécile Leal pour Art & Facts) a conservé le sens du détail qui tue : un liseré rouge qui court à l’arrière de la chaussure, du contrefort à la pointe du talon. Un signe distinctif auquel on promet déjà un succès radical. Emblème, vous avez dit emblème ?!

A l’Est, du nouveau !

Historiquement, les échanges commerciaux entre la France et la Russie sont riches et fructueux. Libérés du joug communiste qui les parquait entre quatre murs bétonnés, les russes aisés ont soif de dépenser. De l’avis général, ce sont ceux qui « claquent » le mieux leur argent. Créateurs de prêt-à-porter Couture, de bijoux ou de souliers se mettent tous d’accord sur le fait que « les clients russes paient cash, sans discuter, et rubis sur l’ongle ! Ils aiment la fourrure, les belles pierres, l’extravagance et porter des pièces superlatives ne les effraie pas outre-mesure ! »

Chez Walter Steiger, Céline Surrel confirme : « notre marque étant renommée pour la hauteur, parfois vertigineuse de ses talons, on assiste à une forte demande de la part de pays où les femmes cultivent une féminité agressive : les russes, et paradoxalement, les clientes du Moyen-Orient ! » La clientèle la plus courtisée est aussi la plus délicate d’accès, la plus susceptible de se froisser culturellement. En outre, semblant disposer de ressources financières illimitées : la portion (argentée) des pays arabes. Au royaume des énergies fossiles, la fièvre d’achat n’a  jamais été aussi…vivante ! « Pour elles, plus c’est haut, mieux c’est ! Mais cette course à la hauteur atteint parfois le ridicule : je me souviens d’une fois où nous avons dû expliquer à des clientes que, trop haut, elles ne pourraient pas marcher ! On peut faire tout ce que notre clientèle désire, dans la limite de son propre bien-être… » Un trait de coquetterie qui se comprend. Avec le sac et les bijoux sur les mains, les chaussures sont les seuls éléments de la tenue féminine qui se voient, en terre de Coran, malgré l’abaya. Un besoin motivé par les circonstances religieuses et culturelles, dont les marques ont su habilement tirer les marrons d’un feu financier crépitant ! Or, une marque mondiale doit penser global.

L’autre grand consommateur de luxe à la française, c’est le Japon (premier consommateur mondial de produits de luxe en interne). Un territoire où les objets manufacturés et estampillés français s’arrachent…à condition de bien cibler leurs attentes et leurs tabous. « Nos clientes japonaises, enchérit Céline Surrel avec humour, si on arrive à leur vendre du 7cm, c’est la Tour Eiffel ! »

Un son de cloche repris aussi du côté du gantier Georges Morand : « En termes de répartition géographique et de volume de ventes, nous sommes sur du 50%-50% entre la France et l’export, avec deux gros pôles : la Russie et le Japon. »

Sevré de luxe à la française et « mûr » à point, la conquête de l’Est n’a pas fini de faire rêver les marques. A condition que celles-ci continuent à prendre en compte les interdits de populations qui, à l’heure mondiale, n’en restent pas moins détentrices d’un caractère national, politique, religieux et culturel spécifique.

« Eduquer » la clientèle ?

S’il est un chapitre où personne ne veut se voir taxé de « moralisateur », c’est bien celui d’ « éducation » de la clientèle. C’est là aussi un point essentiel. Car, si l’acte d’achat reste souverain, tout le travail de sensibilisation pratiqué en amont se doit d’être couplé d’un rudiment d’apprentissage, « du beau vers le client. »

« Durant des années, nous dit Audrey Harris de Soubis, on a banalisé l’acte créateur. Les gens ont perdu ce qui les reliait à cet acte : la commande spéciale, le dialogue avec l’artisan qui va réaliser cette commande. La volonté de Soubis est d’initier ce long travail de récriture de l’artisanat d’art, perdu dans une multitude d’offres préfabriquées et de marchandises d’usines. »

Anna Ruohonen

Anna Ruohonen – La Petite Maison de Couture – Copyright Stéphane Chemin/Le Mot & la Chose

Une sensibilité partagée par la designer finlandaise Anna Ruohonen : « La Petite Maison de Couture commence à faire parler d’elle. Parfois, les gens sont étonnés qu’on leur propose un service si personnalisé, pour des prix abordables. Ils n’ont pas l’habitude qu’on les prenne en compte en tant qu’individus. Mon travail, c’est de concevoir des vêtements bien-sûr. Mais si je peux aider à faire évoluer les mentalités à mon niveau, c’est magnifique ! »

Pour Cécile Leal d’Art & Facts, il faut : « « vulgariser », même s’il faut mettre à ce terme tous les guillemets qui s’imposent, mais vulgariser au sens noble. Rendre lisible le message de ces artisans d’exception auprès d’un public qui, le plus souvent, a de forts a priori et une notion d’inaccessibilité au bel ouvrage, à la belle pièce. Je souhaite montrer avec Art & Facts que ces accessoires, certes magnifiques, peuvent appartenir à chacun, en dépit de la notion de prix. »

Cecile Leal - Art & Facts

Cécile Leal – Art & Facts

« Non, ils ne sont pas ridiculement chers ! Non, les artisans et façonniers d’art ne créent pas pour une poignée de gens fortunés, mais souhaitent avant tout mettre leur savoir-faire à la portée du client qui recherche un objet à forte identité. » Et d’ajouter avec le cœur : « chez Fred Marzo, par exemple, vous pouvez rêver d’une paire d’escarpins complètement sur-mesure à 650€, réalisée à l’ancienne en atelier ! Ça reste très accessible. Sinon, vous pouvez aussi vous rendre chez Walter Steiger et avoir de sublimes chaussures en mesure à 2 000€, tout dépend de votre budget ! »

Ken Okada, la reine des chemises haut-de-gamme, préfère parler d’un enrichissement mutuel : « j’aime les boutons, les jeux de couleurs, de tissus. Mes chemises sont pensées en trois dimensions, comme un éventail, pour évoluer avec le corps de la cliente. Elle peut porter mes pièces devant/devant, ou les retourner devant/derrière, jouer avec, selon son humeur, c’est complètement évolutif. Pour moi, la cliente idéale, c’est une femme qui pense à son style avant son look, et veut s’amuser dans la mode ! »

Transmission, Haute-Façon et passion : les ions positifs

L’industrie du luxe se porte bien. Soit. Pourtant, professionnels et observateurs se souviennent avec anxiété d’un temps, pas si lointain, où l’artisanat d’art a bien failli disparaître corps et biens… « Les politiques de masse nous tuaient à petit feu, se souvient Céline Surrel chez Steiger. Les clientes vieillissaient et n’étaient pas remplacées par une nouvelle génération. On s’est posés beaucoup de questions…Heureusement, la tendance actuelle, qui pousse les nouvelles générations vers des produits de qualité, semble être là pour durer. »

Pierre Corthay au travail

Pierre Corthay au travail

Chez Maison Corthay, on est un tantinet plus circonspect. Pierre Corthay, Maître d’art en 2008, a la transmission dans le sang. Lorsqu’on atteint ce niveau d’engagement dans sa spécialité, logique que la simple évocation d’une période moins faste vous soulève le cœur : « en 1985, à mon passage chez Berluti, nous étions 4 ou 5 à faire tourner l’atelier. Une clientèle vieillissante, de moins en moins de commandes…Et même après on ne savait pas où on allait. On a frôlé la catastrophe à cette époque…» Mais les affaires ont repris et Maison Corthay fait désormais partie intégrante du changement, formant sans relâche une nouvelle génération d’artisans-bottiers. « Je suis un Compagnon, poursuit Pierre Corthay. L’un de mes devoirs, c’est de transmettre. Les gamins que j’embauche à mon atelier de Neuilly-Plaisance, beaucoup abandonneront le métier. Il faut en vouloir, être vraiment taillé pour ça ! Moi, je le suis ! »

Soutenir les créateurs et les artisans d’art. Les accompagner dans la transmission de leur savoir. Si, pour certains, la messe est dite, le public a plus que jamais son rôle à jouer sur l’échiquier financier et humain des métiers de la Haute-Façon. « Le mécénat naturel de la clientèle passe par son adhésion, son soutien lié à l’achat, tient à souligner Cécile Leal d’Art & Facts. Les artisans d’exceptions n’attendent plus grand-chose de la part des pouvoirs publics pour préserver leur patrimoine. Chez Baccarat, pour ne citer qu’eux, tout un corps de métier dans la fabrication de cristal de plomb vient de disparaître ! Ils disposent encore des formules, des manuels, mais plus aucun artisan du verre ne sait les appliquer. Les derniers détenteurs de ce savoir-faire sont partis à la retraite, sont décédés pour certains, et on a « oublié de transmettre ». Que voulez-vous faire ? » Si la France est fière de son patrimoine, les pouvoirs publics n’en encouragent pas pour autant ces « petites mains », sans qui une pièce de porcelaine de Sèvres, ou un gant cousu main à Millau, n’existeraient pas !

« Les valeurs ont changé. Dans les écoles, on pousse les jeunes couturières à faire du modélisme assisté par ordinateur, poursuit Cécile Leal. Bien. Mais qui coud le vêtement après ? Ce n’est pas un logiciel qui va coudre le vêtement, ou alors ce n’est plus de la Couture ! Il y a un gouffre entre l’enseignement prodigué aux premières d’atelier de demain d’un côté, et la réalité du monde du travail de l’autre. D’où le travail d’utilité publique que fait le groupe Chanel en « sauvant » de vénérables Maisons, ici et à l’étranger. Demain, qui sait, les gouvernements seront peut-être reconnaissants qu’une poignée d’entreprises privées ait sauvegardé et perpétué leur patrimoine pour les générations futures ? »

Des artisans et des hommes

Rencontrer un artisan, c’est aussi (surtout) rencontrer un homme (ou une femme) de passion. Décideurs, acheteurs professionnels, conférenciers, attachés de presse, commerciaux, entrepreneurs, clients fidélisés, tous à leur manière encouragent la création au sens le plus noble du terme. Pour les uns, l’artisan est un mystère. Pour les autres, c’est un doux dingue, un rêveur, solitaire ou entouré, qui œuvre à un monde de beauté et d’excellence, planant très loin au-dessus des concepts inévitables d’argent et de rentabilité. « J’aime les artisans, affirme sans ambages la fondatrice du marketplace Soubis, Audrey Harris. Ils sont novateurs et poussent toujours plus haut leurs compétences et leur niveau d’expertise. Soubis essaie de prendre exemple sur eux pour toucher un large public, de plus en plus sensibilisé aux questions d’éthique du produit. » Son grand cri d’amour la fait attirer à elle les talents les plus prometteurs de la jeune génération !

Retenez bien leurs noms, vous ne tarderez pas à reconnaître leurs créations : « Coppélia Pique, une amie, qui fait des vêtements sur-mesure et en série limitée absolument féériques, décrit-elle ; Sylvain Le Guen, un éventailliste fou comme il n’y en a plus ; Emilie Moutard-Martin, une plumassière qui travaille la plume comme un tissu, une seconde peau, une résine, un bijou ; Benjamin Antz-Recalt, créateur de mode radical qui pousse le sens du détail jusqu’à concevoir ses propres tissus ; Maison Heurtault, « la » Maison du parapluie et de l’ombrelle ; Fanny Liautard, pour ses robes de mariée sur-mesure sublimes, s’enthousiasme Audrey, avant de sourire, et tous les autres… »

Quand sur-mesure rime avec Futur !

Demain, l’acheteur devra-t-il aussi être « sur-mesure » pour répondre aux espoirs que de plus en plus de professionnels fondent en lui ? Vaste question, qui réclame une prise de conscience collective de chaque consomma(c)teur face à son panier (virtuel ou réel). Sur le Web, le succès mondial de NET-A-PORTER, du luxe d’occasion via des sites de vente en ligne, tels Vestiaire Collective ou Vide Dressing, redessinent nos conditionnements d’achat. La montée en puissance de l’e-commerce croît au rythme de 25 % par an. Jadis frileux en matière de commerce virtuel, les grands noms s’y sont mis, allant jusqu’à doubler leur chiffre d’affaires sur le net. D’autant que les marques de luxe investissent des sommes considérables en publicité.  Leur cible ? Les « henry » (high earners, not rich yet, consommateurs à gros revenus, pas encore riches). Dans les pays industrialisés, à fort pouvoir d’achat par foyer, les « henry » sont 10 fois plus nombreux que les ultra riches.

Garnazelle - joaillière

Garnazelle – joaillière

A ceux qui craindraient un nouvel holocauste financier, ou crise, tous les feux semblent au contraire être au vert. En effet, de grosses légumes viennent de mettre les pieds dans le plat du Triangle d’or. Distinct de ses homologues qataris, Qatar Luxury Group (fondé en 2008 par la Sheikha Moza bint Nasser, deuxième épouse de l’ancien émir du Qatar) vient de se porter acquéreur d’un local commercial de 500m² au numéro 50 de l’avenue Montaigne. Ce local est destiné à accueillir le flagship parisien de la marque Qela.

Qela ne vous dit peut-être rien, mais cette marque de luxe hyper ciblée est la dernière coqueluche de Doha. Proposant maroquinerie, chaussures, vêtements sur-mesure et joaillerie, elle est la première tentative d’un pays « sensibilisé » pour détourner le pouvoir d’achat sur son territoire à son compte, et concurrencer les enseignes hexagonales sur leur sol. Comme Vuitton, Chanel ou Hermès, Qela revendique une fabrication maroquinière made in France, via son rachat de Le Tanneur…Un cheval de Troie au pays de Voltaire ? Et combien viendront après ? Les Maisons traditionnelles ont-elle à craindre de ces rivaux, qu’involontairement ou pas, elles ont poussés dans la brèche ? Qu’on se le dise, le sur-mesure et la valeur artisanale ajoutée sont dans l’air. Qu’y a-t-il de surprenant à ce que les courants circulent jusqu’aux pays du golfe et au-delà ?

Ceux qui sont préparés à la demande sentent le changement. Quant aux autres, ils cherchent encore à se positionner, dans un marché riche de possibles. Ce que résume autrement Cécile Leal, fondatrice d’Art & Facts, spécialisée dans l’évènementiel : « nos vies changent plus vite que par le passé, les codes traditionnels sont bousculés. Pourquoi les objets marqueurs de nos changements intimes ne devraient-ils pas changer à leur tour ? »

« Les artisans d’art et de Haute-Façon ont toujours été là, rassure Audrey Harris, leur savoir-faire aussi, ce qui rend ces professions atemporelles. La nouveauté en revanche, c’est qu’ils accompagnent la société de consommation dans ses mutations profondes. De plus en plus de gens voudront à l’avenir, non plus trente-six choses, mais une pièce bien choisie qui leur ressemble. Je crois qu’on s’achemine vers la fin de l’accumulation. »

Bread and roses, du pain et des roses, à la fois indispensable et superflu…Serait-ce cela, le luxe ultime ?

(Art & Facts, http://www.artetfacts.com/, 09 81 95 97 50 ; Showroom Soubis, 4 rue du Marché Saint Honoré, 75001 Paris, expositions et sur rendez-vous, 01 73 73 37 03,http://www.soubis.com/ ; Garnazelle, http://garnazelle.com/ 3 rue du Marché Saint Honoré , 75001 Paris, 01 40 15 10 40 ; Walter Steiger,http://www.waltersteiger.com/, 35 avenue Matignon, 75008 Paris, 01 47 42 29 32 ; Maison Corthay, 1 rue Volney, 75002 Paris, 01 42 61 08 89, http://www.corthay.com/ ; Anna Ruohonen – La Petite Maison de Couture, 227 Boulevard Raspail, 75014 Paris, 01 43 27 08 89, http://annaruohonen.com/ ; Ken Okada Paris, 1 bis rue de la Chaise, 75007 Paris, 01 42 55 18 81, http://www.ken-okada.com/ ; Georges Morand,http://georges-morand.fr/; toutes photos reproduites avec l’aimable autorisation des marques ; crédits photos Soubis, Ken Okada, Anna Ruohonen ©Stéphane Chemin)

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